
Après plusieurs révisions à la hausse durant la première moitié du XXe siècle, la France a rendu l’école obligatoire jusqu’à 16 ans en 1959. Depuis, ce seuil n’a pas bougé. Certaines organisations syndicales et politiques appellent à reprendre la marche en avant des scolarités. Un tel projet implique néanmoins une vaste réforme de l’enseignement pour réaliser toutes ses promesses d’émancipation.
En 1947, le plan Langevin-Wallon avait proposé de rendre l’école obligatoire jusqu’à 18 ans. La mesure resta lettre morte, comme le reste de ce grand programme de réforme du système éducatif français qu’avait élaboré la commission ministérielle présidée par le physicien Paul Langevin, puis, après sa mort, par le psychologue Henri Wallon (tous deux étaient membres du Parti communiste français, PCF).
Presque soixante-quinze ans plus tard, le temps n’est-il pas venu d’entériner ce report de l’obligation scolaire ? (...)
Ambitieux en 1947, celui-ci semble aujourd’hui à portée de main. Neuf jeunes sur dix poursuivent déjà leurs études jusqu’à leur majorité au moins. Et les besoins toujours plus importants en compétences scientifiques et techniques plaident en ce sens. L’aspiration aux études longues n’a jamais été si répandue. Interrogés au moment de l’entrée en sixième de leurs enfants, les parents espèrent dans huit à neuf cas sur dix les voir sur les bancs de l’école jusqu’à 20 ans au moins, quel que soit leur milieu d’origine.
Pourtant, la majorité des organisations politiques et syndicales se refusent à un tel relèvement. Entrée en vigueur en septembre 2020, l’obligation de formation de 16 à 18 ans ne vise pas à en finir avec les scolarités écourtées des élèves en grande difficulté, mais propose un « accompagnement sur mesure » vers le marché du travail pour les jeunes concernés, en déshérence après leur rupture avec l’institution scolaire. Finalement, seule la gauche de transformation (PCF, La France insoumise, Confédération générale du travail, Fédération syndicale unitaire, Sud) affiche clairement cet objectif, sans préciser toujours la façon de l’atteindre. (...)
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(...) À ce jour (2017), en France, l’instruction est obligatoire de 6 à 16 ans. Mais dans la réalité, selon une étude du ministère de l’Éducation nationale datant de 2014, un élève français passe en moyenne 18,2 ans sur les bancs de l’école (dont 2,7 dans l’enseignement supérieur), ce qui établit l’âge de sortie du système scolaire aux alentours de 21 ans. Pourquoi alors vouloir par la loi imposer ce qui pour beaucoup constitue déjà une réalité ?
« La culture générale, il n’y a qu’au lycée qu’on l’obtient »
Tout simplement parce que cette statistique est une moyenne, et que si certains continuent les études durant de longues années, près d’un quart des jeunes (23 %) ne sont plus scolarisés à l’âge de 18 ans. Soit 180 000 personnes dont 80 000 ont « décroché » du système scolaire sans diplôme, et la moitié d’entre elles se retrouvent en grande difficulté sur le marché de l’emploi. Or, passé la barre des 16 ans, il leur est très difficile d’obtenir une nouvelle chance, les établissements n’ayant plus l’obligation de les recevoir. (...)
« Ces élèves ne choisissent pas de quitter l’école, mais ils renoncent du fait d’échecs dont on sait par expérience qu’ils remontent aux premières années de la scolarité », analyse le sociologue Tristan Poullaouec, de l’université de Nantes, qui plaide pour une « révolution culturelle, de façon à ce que tout le monde se dise : “Maintenant c’est 18 ans pour tous et 100 % au bac !” ». (...)