
Les entreprises de prêt-à-porter à très bas prix et quasi-jetable, dont la marque chinoise Shein est le leader, ont bouleversé les habitudes de consommation de vêtements, au détriment du climat. Pour les associations, il faut réguler.
Tant que les vêtements coûteront moins cher qu’un café, on aura un problème », dénonce Julia Faure, cofondatrice d’une marque de vêtements promouvant la sobriété. On appelle ce système de prêt-à-porter à très bas prix et quasiment jetable l’« ultra fast-fashion ».
« Caractérisées par leurs prix dérisoires et une rotation extrêmement rapide de leurs modèles », les enseignes d’ultra fast-fashion « illustrent la fuite en avant d’un système ultra compétitif où seuls ceux qui polluent et exploitent le plus survivent », résume Les Amis de la Terre dans leur rapport « Quand la mode surchauffe : Shein, ou la course destructrice vers toujours plus de vêtements », publié en juin. L’ONG y décrypte le modèle de la marque chinoise lancée en 2008 et qui est devenue le leader de ce marché.
En 2022, Shein a doublé son chiffre d’affaires, atteignant 30 milliards de dollars contre 15 milliards en 2021. « Alors que les enseignes de prêt-à-porter françaises s’enfoncent dans une crise économique et sociale sans précédent, les marques de fast-fashion semblent être les seules à sortir leur épingle du jeu », analysent Les Amis de la Terre.
La recette de Shein, c’est de sortir toujours plus de modèles. (...)
« Nous sommes les produits de la génération Rana Plaza [1], qui a grandi avec ce mythe du consommateur qui se tourne vers des marques écoresponsables. Cette prophétie s’est en partie réalisée. Mais c’est un effet d’optique si on regarde les ordres de grandeur. Les entreprises d’ultra fast-fashion qui polluent n’ont jamais été aussi puissantes », constate la créatrice de mode. (...)
Les ouvriers Shein font des semaines de 75 heures avec un jour de congé par mois et gagnent quatre centimes par vêtement produit », dénonce aussi le militant associatif.
Obsolescence émotionnelle
L’ultra fast-fashion modifie aussi les habitudes de consommation. L’achat de nouveaux vêtements ne repose plus sur un « besoin primaire d’habillement, mais sur l’envie d’acquérir des pièces à la mode, analyse le rapport des Amis de la Terre. Aujourd’hui, il est estimé que l’usure physique ne représente que 35 % des causes de fin de vie d’un vêtement ». On parle alors d’obsolescence émotionnelle. (...)
« Il faut à tout prix réguler ce secteur, au sein duquel seules les enseignes les plus néfastes parviennent à maintenir un équilibre, au détriment de la stabilité économique des autres marques, mais également de la planète et des travailleur·ses du secteur, revendiquent Les Amis de la Terre. Jusqu’ici, les avancées environnementales ont largement été basées sur l’amélioration de la qualité du produit via la durabilité physique ou les matières utilisées. Aujourd’hui, il est nécessaire de s’attaquer au système même de surproduction, en limitant les volumes de produits mis en vente », propose l’ONG. « Soit on régule, soit il n’y aura plus de marques de milieu de gamme : il n’y aura plus que du low cost et du luxe », résume Pierre Condamine. (...)