
La politique environnementale de Total et celle de Vinci comme cours aux lycéens ? C’est ce que propose un site de ressources pour les sciences économiques et sociales (SES). Il est validé par l’Éducation nationale. Des professeurs protestent. (...)
Les intitulés interpellent : « Carrefour et la question de la biodiversité » ; « Total. Le climat, un enjeu pour la stratégie d’entreprise » ; « Vinci Autoroutes et la question environnementale ». On pourrait croire à des titres de documents de communication de ces entreprises. Il s’agit en fait de cours clé en main, d’une heure, mis à disposition des enseignants de sciences économiques et sociales (SES) de lycée et classes préparatoires, de leurs élèves, et désormais aussi des parents en ces temps de confinement et d’école à la maison. (...)
Ces généreux présents sont offerts par le site Melchior, qui propose aux élèves et professeurs de SES des ressources pédagogiques. L’affaire est sérieuse : les cours sont rédigés par des inspecteurs et enseignants de l’Éducation nationale (la Melchior Team) avec l’aide de chercheurs en sciences économiques et de gestion (les Melchior Angels). Le tout est contrôlé par un inspecteur de l’Éducation nationale. Melchior est issu d’un partenariat entre la vénérable institution et l’Institut de l’entreprise, un think tank regroupant plus d’une centaine de grandes entreprises françaises, dont Vinci, Air Liquide, Sanofi, Sodexo… Le but affiché est de « mieux comprendre et valoriser le rôle de l’entreprise au cœur de la société ». Le programme Enseignant-Entreprises est une de ses principales activités, et il a permis la création de Melchior il y a déjà 18 ans. (...)
« L’utilisation de ces ressources est régulièrement conseillée par des courriels de notre inspection, précise Solène Pichardie, coprésidente de l’Apses. On sait qu’elles sont utilisées notamment par les jeunes collègues qui démarrent dans le métier. »
L’association analyse les exercices proposés aux élèves dans une étude de cas intitulée « Comment évaluer le modèle de la concession d’autoroutes ? Le cas de l’entreprise Vinci ». « On trouve ainsi un document de l’Association française des sociétés d’autoroutes (Afsa) qui affirme que “la privatisation a été une excellente affaire pour l’État” », note le communiqué. Et en contrepoint, un article de presse présentant les fortes hausses des tarifs de péage pour les usagers, mais qui est immédiatement suivi par un graphique de l’Afsa comparant ces augmentations avec celles des tarifs de billets de TGV… Si certaines controverses liées aux concessions autoroutières sont évoquées, c’est d’abord pour proposer un exercice permettant de répondre à la question : “Quels arguments peut-on opposer à ces critiques ?” »
L’« étude de cas » sur Total et le climat les a également interpellés.
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Pas de quoi convaincre l’Apses. « On demande la fin de ce partenariat entre l’Institut de l’entreprise et l’Éducation nationale. La place des lobbys n’est pas dans l’école publique », poursuit Solène Pichardie. Questionnée par Reporterre, l’Éducation nationale ne nous a pas répondu.