L’autisme est pluriel et ses aspects assez méconnus de la population. Il en existe des formes lourdes, d’autres plus légères. Ces dernières, surtout, sont plus difficiles à distinguer pour les personnes non avisées et donnent lieu à des malentendus et de mauvaises interprétations de leurs intentions. Des réactions qui peuvent causer de vives souffrances chez les personnes autistes. Spécialiste de l’autisme, Marie Josée Cordeau nous décrit quelques aspects d’une forme d’autisme nommée communément le syndrome d’Asperger.
Bien que l’autisme et le syndrome d’Asperger soient des termes de plus en plus fréquemment lus et entendus dans les médias, leur connaissance réelle demeure à un niveau embryonnaire auprès du grand public. Il est d’ailleurs très compliqué d’en donner une définition simple, englobant l’ensemble des caractéristiques autistiques. Si l’on associe le terme de maladie à l’autisme, il est plus approprié de parler d’un état d’être différent. L’autisme touche en effet toutes les sphères de vie de la personne : ses relations sociales, sa perception du monde, sa manière de communiquer et ses champs d’intérêt. L’autisme apparaît dès la naissance de l’individu et demeure avec lui tout au long de sa vie.
Tout d’abord, chaque personne autiste est différente. Les autistes ne forment pas un groupe homogène : certaines personnes sont introverties, timides et réservées, et d’autres extraverties, volubiles, cherchant volontiers la compagnie des autres. Loin du cliché d’un Rain Man, demeuré la référence populaire par excellence, l’autisme est d’une grande diversité, ce qui en rend la détection et la compréhension d’autant plus complexe. D’ailleurs, de nombreux adultes actuellement sur le spectre autistique ignorent en faire partie. La grande majorité d’entre eux, ceux qui sont des adultes fonctionnels, ignorent leur affiliation à l’autisme, mais se sont toujours sentis différents et décalés par rapport à leur entourage. (...)
Certains traits communs définissent cependant les personnes autistes. En premier lieu, les autistes des intérêts dits « restreints ». Alors que Monsieur et Madame « Tout-le-monde » ont leurs domaines de passion mais peuvent bavarder de tous les sujets, les personnes autistes sont moins généralistes dans leurs lectures et l’utilisation de leur temps. Ils tendent à se focaliser sur un ou quelques centres d’intérêt spécifiques qu’ils tendent à approfondir jusqu’à une expertise étonnante. Ces intérêts ne sont pas non plus soumis aux modes et aux influences environnantes. (...)
Les individus autistes peuvent ainsi discourir durant des heures sur leur sujet de passion du moment, mais devenir plus mutiques lors de la petite conversation sociale ordinaire. Cette particularité tend à rendre les contacts sociaux plus ardus, car la personne autiste ne naviguera pas naturellement d’un sujet à l’autre lors d’une conversation régulière. Les difficultés à entretenir des conversations légères sont davantage liées à un manque de maîtrise de l’usage social qu’à une tendance volontaire à refuser le contact informel. (...)
Certains œuvrent dans des domaines artistiques, d’autres dans l’informatique, l’ingénierie ou les sciences. Si les activités à caractère factuel sont souvent privilégiées, la créativité et l’imagination sont bien présentes chez la plupart des autistes. (...)
Là où la plupart des personnes autistes ressentent leur différence, c’est au niveau de leurs relations sociales. Se faire des amis, les conserver, entretenir les relations amicales et amoureuses sur le long terme peut devenir un défi. (...)
L’autiste a tendance à dire la vérité sans filtre. Ses commentaires peuvent donc être mal perçus, considérés comme impolis, provocateurs et inappropriés. (...)
L’autiste passe donc, à tort, facilement pour fruste, indélicat et arrogant. Son intention pourtant n’est pas de blesser, mais d’énoncer la vérité ; c’est pourquoi, d’ailleurs, les autistes sont particulièrement honnêtes. (...)
Dans la réception de la communication, l’ironie, les double-sens, le sarcasme, peuvent ne pas être perçus par l’autiste. Il pourrait ne pas réagir à une provocation verbale en apparence évidente pour les autres ou, à l’inverse, réagir excessivement à une taquinerie innocente en ne percevant pas l’intention véritable de son interlocuteur. (...)
’incompréhension des intentions de l’autre peut rendre l’autiste particulièrement vulnérable aux abus, aux moqueries et à l’intimidation, voire au harcèlement. (...)
Les autistes ne seraient, croit-on souvent, pas empathiques. Pourtant, elles sont souvent extrêmement sensibles aux injustices et aux situations difficiles de la vie. Il n’est pas rare de confondre l’empathie avec la sympathie et de croire que l’autiste, n’utilisant pas les termes consolateurs espérés, n’est pas empathique à son prochain. (...)
Plus la personne est considérée comme étant sur la partie haute du spectre autistique (autisme de haut niveau, syndrome d’Asperger, autisme léger, etc.), plus son autisme paraît diffus et risque d’être oublié dans les petits gestes du quotidien. Même avisé de l’autisme d’un proche, une tante, un ami, un grand-père pourrait l’oublier et ne pas comprendre son mode de fonctionnement différent.
Il est donc courant que les autistes, prenant conscience des attentes sociales qui leur sont étrangères, se sentent démunis. Comme l’autisme ne parait pas de l’extérieur sauf pour un œil averti et lors de circonstances particulières, la personne se voit attribuer des défauts qui n’en sont pas, puisque ses gestes et paroles sont interprétés selon les critères « standards ». On le dira capricieux s’il est incapable de faire une tâche considérée facile, comme répondre au téléphone à la maison. On la jugera prétentieuse, car ses sujets de conversation sont plus pointus et intellectuels et qu’elle ne participe pas à la conversation courante. Les difficultés d’un adolescent à approcher ses camarades de classe pourraient lui valoir la réputation d’être froid et hautain. Le jugement est rugueux et brutal vis-à-vis de l’autiste, évalué selon des critères ordinaires qui ne concordent pas sa façon d’être.
Intérieurement, une personne autiste peut développer des troubles anxieux, car il lui est difficile d’interpréter le monde qui l’entoure. (...)
On oublie également ses particularités sensorielles, car souvent les bruits ambiants sont plus agressifs pour elle. Elle peut être extrêmement sensible à la lumière vive ou au contact de certaines matières ou au contact physique. Alors, elle devient hautement réactive à des stimuli qui généralement ne dérangent personne. Les restaurants bondés, les centres commerciaux où elle se fait bousculer, les lieux inconnus, tout peut la déstabiliser à tout instant.
Le grand défi est d’intégrer les autistes de tout niveau, leur permettre de demeurer elles-mêmes, de développer leur potentiel selon leurs capacités propres et les accepter sans discrimination. (...)
les autistes ont toujours été présents, sans aucun doute, à toutes les époques de l’histoire.