
La bienveillance dont a bénéficié l’écrivain pédophile dans les années 1980 n’est en rien le reflet d’une société et des années, estime l’écrivaine et géographe qui fustige, dans une tribune au « Monde », ceux qui réécrivent l’histoire.
Je suis née en 1960. Dans les années 1980, je préparais l’agrégation de géographie à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud. Très souvent je croisais, rôdant dans le parc du même nom, l’écrivain Gabriel Matzneff, reconnaissable entre mille avec son allure de dandy et son crâne soigneusement rasé. Il errait en quête de proies, vous déshabillait du regard, pesait sa chance et poursuivait son chemin. Beaucoup trop vieille pour lui déjà ! (...)
toutes les femmes, dès qu’elles dépassaient l’âge nubile, devenaient répugnantes aux yeux de celui qui se qualifiait complaisamment de libertin, alors qu’il n’était qu’un prédateur sexuel, adoubé par une certaine élite parisienne.
Cet entre-soi commis au nom de la littérature lui valait de participer à de multiples émissions, où il pouvait épandre sans retenue et sans honte son penchant, sous l’œil émoustillé de barbons persuadés de faire œuvre d’ouverture d’esprit. (...)
Ne croyez pas que l’époque était libertine ou tolérante. Cette complaisance ne reflétait absolument pas les mœurs de l’époque. La France profonde n’en pensait pas moins, mais n’avait pas voix au chapitre. La coupure entre une élite hors sol, totalement déconnectée des réalités quotidiennes et des valeurs de la société, qui est apparue clairement avec la crise dite des « gilets jaunes », a été un des moteurs des révolutions sociales françaises. (...)