Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Sumatra : comment l’huile de palme a chassé des centaines de paysans de leurs terres
Article mis en ligne le 24 octobre 2013
dernière modification le 21 octobre 2013

Alors qu’en France, un projet de surtaxe de l’huile de palme fait toujours débat, que se passe-t-il chez le premier producteur mondial de palme, l’Indonésie ? Expropriation de communautés locales, soumissions contraintes des petits agriculteurs aux grandes firmes contrôlées par l’Etat… La culture d’huile de palme n’y est pas vraiment « responsable ». A Sumatra, des centaines de familles se sont lancées dans une « guérilla » agricole pour se réinstaller sur les plantations dont ils ont été chassés. Reportage.

Rustan, Sultan et Masri-Zainal baissent la voix. Ils nous expliquent qu’ils vont envahir « leur » terre afin d’en reprendre possession. Environ 1 500 hectares que leur communauté occupait il y a près de trois décennies, à la suite de leurs ancêtres, et dont ils ont été chassés dans les années 1980 par l’armée. Dans une campagne reculée de la commune de Jorong, dans l’Ouest de Sumatra [1], l’opération de nettoyage avait pour but d’installer une plantation de palmiers à huile, exploitée par une entreprise gouvernementale, la PTPN 6 [2].

Les trois paysans, de la tribu des Minang Sikumbang, se sont rendus à Jakarta en juin dernier, à l’occasion d’une grande rencontre internationale du réseau la Via Campesina (lire notre reportage), venus mettre au point l’opération avec les conseils de leur syndicat SPI, principal regroupement paysans d’Indonésie – l’équivalent de la Confédération paysanne en France. (...)


L’espoir avec la fin des concessions

Les paysans entretiennent cependant un espoir sérieux. À force de pressions, d’occupation de terres et de manifestations, le SPI de la province a obtenu en 2012 une belle victoire : le vote d’une résolution stipulant que les terres, dont les autorités locales ont revendiqué la propriété au détriment des communautés paysannes, reviendraient à ces dernières à l’échéance des concessions accordées aux firmes qui les exploitent. Pour les Minang Sikumbang, la date butoir est 2017. « Cependant, nous nous sommes refusés à patienter encore quatre années, défend Masri-Zainal. Nous connaissons la versatilité des gouvernements, et nous pouvons redouter un renversement de situation après 2015, quand le gouverneur local qui a porté cette loi arrivera en fin de mandat. »

Surtout, les familles rebelles ont trouvé le moyen d’exercer une pression efficace sur l’entreprise. D’ici peu, elle va devoir rajeunir sa plantation, processus périodique destiné à remplacer les vieux arbres devenus moins productifs. « C’est le moment où jamais de nous réinstaller sur le bord de la rivière, d’y construire un petit barrage pour démarrer des cultures irriguées et des mares à poissons, confie le paysan. C’est une manière de convaincre de notre détermination. Car notre but n’est pas de revendiquer l’illégalité mais d’ouvrir les yeux aux autorités sur la réalité de notre situation, de faire réfléchir sur le statut de la terre, puis d’obtenir la reconnaissance officielle de notre droit sur cette terre. » (...)