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Stigmatiser les non-vaccinés, est-ce bien responsable ?
Stephane Lavignotte, Ancien journaliste, militant écologiste, éthicien, pasteur de la Mission populaire à Montreuil
Article mis en ligne le 13 juillet 2021

La stigmatisation des personnes qui refusent de se faire vacciner n’est-elle pas une facilité pour ne pas prendre en compte la complexité de la question de la responsabilité ?

Avec le développement d’un nouveau variant et la stagnation de la vaccination, la situation se tend dans le débat sur l’obligation de la vaccination. Un ancien ministre de la santé a parlé de "trahison" à propos de celles et ceux qui refusent la vaccination et poursuit : « Ceux qui face à ce virus choisissent de se “battre” individuellement sont, sinon des déserteurs, du moins des alliés du virus ». Quand le vocabulaire devient guerrier, que l’on parle de traîtres, d’alliés, de déserteurs, c’est un signe que la simplification morale est en train de prendre le dessus. Or, comme le défendait l’éthicien protestant André Dumas, il n’y a morale que là où l’on prend en compte la complexité morale des situations et les conflits moraux que rencontrent les personnes. Comme on ne peut pas penser que toutes les personnes qui ne se vaccinent pas sont des complotistes, des méchants, des pervers désireux de mourir ou de tuer les autres, peut-être faut-il entendre ce qu’ils disent. Et la question qu’ils posent qui tourne autours d’une question morale classique : celle de la responsabilité.

Responsabilités vis-à-vis des plus fragiles

Paul Ricoeur disait que la responsabilité, dans un sens contemporain, prenait de plus en plus le sens de la responsabilité de l’autre fragile. L’autre fragile, c’est bien sûr la personne âgées, malades, en surpoids qui risque davantage d’être contaminé si je ne suis pas vacciné. C’est là que se pose la question de la vaccination des soignants. Mais il est frappant de voir que la carte de la non-vaccination - par exemple en Île-de-France - recouvre exactement celle de la pauvreté, des plus fragiles. A l’issue du premier confinement, des études ont montré que les personnes de nationalité étrangères étaient cinq à six fois plus décédées du COVID que celles de nationalités françaises. Parce qu’elles ont continué à aller travailler - agents de sécurité, femmes de ménage, ouvriers du bâtiment..., qu’elles ont pris les transports en commun, vivent dans de petits appartements, sont plus éloignées des services de santé... S’il y a une responsabilité vis-à-vis de l’autrui fragile, c’est certes en se vaccinant pour éviter de le contaminer mais surtout en mettant en place les moyens pour les plus pauvres, les plus exposés au virus qui ont du mal à se faire vacciner parce qu’ils ne comprennent rien aux sites internets de prise de rendez-vous, n’ont pas de médecins traitant, n’ont peut-être pas de couverture santé et craignent de payer leur vaccin.

La première responsabilité est celle des autorités publiques qui n’ont pas tout mis en place pour cela : alors que dans le passé, dans nos Fraternités de la Mission populaire, nous avons pu être contactés par des services municipaux pour venir y détecter la tuberculose, qu’AIDES vient régulièrement à la Maison Ouverte pour proposer des test du SIDA, de même un bus santé à celle de St Nazaire, rien de tout ça pour le vaccin contre le COVID. Avant de pointer du doigt les citoyens dans leur irresponsabilité, l’Etat pourrait s’interroger sur sa propre responsabilité vis-à-vis des plus fragiles et vis-à-vis des associations et des collectivités locales (villes, départements) les plus à même de prendre ces initiatives vers eux mais qu’il prive de moyens depuis des années.

Responsabilité comme capacité à répondre (...)

Les personnes qui résistent à la vaccination ne l’accepteront-ils pas davantage si on prend au sérieux leur parole, leurs choix, leurs questions ? Si on y apporte des réponses ? Et nous comme société, n’aurons-nous pas fait un apprentissage collectif en apprenant à diverger tout en vivant ensemble ? Apprendre à prendre en compte les façons de penser des autres, donner du crédit à leur compromis moraux ? Apprentissage qui nous serait profitable - et nous l’aurait été dans la passé - sur bien des questions...