
Jean Messiha, qui a successivement conseillé Marine Le Pen et Éric Zemmour, a lancé une cagnotte pour soutenir le policier mis en examen pour le meurtre de Nahel, estimant qu’il avait « fait son travail ». Le chroniqueur de CNews s’est vanté que la collecte, qui atteint près de 860 000 euros, dépasse celle ouverte pour la mère du jeune homme tué.
« Un demi-million d’euros pour soutenir un homicide volontaire » ; « Une fortune pour récompenser une bavure fatale ». Dimanche 2 juillet, de nombreux et nombreuses internautes et élu·es se sont indigné·es de la création d’une cagnotte en faveur du policier mis en examen après la mort de Nahel. Mais aussi du montant atteint en seulement trois jours : près de 860 000 euros collectés ce lundi matin – un montant qui continue de grimper en flèche. (...)
Ce dont le chroniqueur de CNews s’est ouvertement vanté sur son compte Twitter : « Tenez-vous bien : la cagnotte que j’ai lancée pour la famille du policier Florian M DÉPASSE CELLE CRÉÉE EN FAVEUR DE LA MÈRE DE NAHEL. » (...)
Pour Jean Messiha, il s’agit de soutenir la famille du policier « qui a fait son travail et qui paie aujourd’hui le prix fort ». Florian M., 38 ans, le brigadier de police auteur du coup de feu fatal au jeune Nahel, a pourtant été mis en examen pour « homicide volontaire » et placé en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet (...)
S’il bénéficie de la présomption d’innocence, le parquet a considéré qu’« en l’état des investigations et des éléments recueillis », « les conditions légales d’usage de l’arme ne sont pas réunies », a souligné le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache, lors d’une conférence de presse, le 29 juin.
Dans une vidéo publiée dimanche sur YouTube, le chroniqueur d’extrême droite passe sous silence les faits, parlant simplement d’un policier « impliqué dans le drame qui s’est produit ». (...)
Parallèlement, une autre cagnotte, créée par un compte baptisé « L’amicale motocycliste des Hauts-de-Seine », dans le but « de soutenir la famille de notre collègue dans leurs besoins primaires », a déjà réuni plus de 55 000 euros. (...)
Les réactions à ces collectes montrent la fracture. D’un côté, des contributeurs bruyants qui assument leur participation financière, mais aussi parfois leur racisme – lequel imprègne certains commentaires. De l’autre, des internautes qui signalent en masse la cagnotte, des élu·es qui dénoncent une cagnotte indigne.
« Jean Messiha souffle sur les braises. C’est un générateur d’émeutes. La cagnotte de plusieurs centaines de milliers d’euros pour le policier mis en examen dans l’homicide du jeune Nahel est indécente et scandaleuse », a ainsi réagi le député Renaissance Éric Bothorel. (...)
Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a dénoncé une « cagnotte de la honte » et enjoint à la plateforme l’hébergeant de la clôturer. (...)
Dominique Sopo, président de SOS Racisme, a dénoncé « une ignominie de Jean Messiha, pitre d’extrême droite », et demandé, lui aussi, que cette cagnotte soit fermée.
De son côté, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, questionné par BFMTV, a répondu qu’il n’avait « absolument pas de commentaire à faire là-dessus ». (...)
Parmi les quelque 43 000 donateurs de la cagnotte, dont les contributions vont de 5 à 3 000 euros, on retrouve des militants ou cadres du parti d’Éric Zemmour, Reconquête. Depuis la mort du jeune garçon, l’ancien journaliste du Figaro – plusieurs fois condamné pour « provocation à la haine et à la violence » et « injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur origine » – est monté au créneau pour affirmer, sans éléments, que Nahel n’était « manifestement pas un ange » ou qu’« en tout cas l’ange avait des taches sur ses ailes puisqu’il avait, à 17 ans, un casier judiciaire fort fourni » –, ce qui est faux.
Jean Messiha a usé de la même rhétorique dans ses tweets (...)
Habitué aux sorties haineuses et avide de buzz, Jean Messiha fut, durant la dernière campagne présidentielle, le porte-parole du candidat Éric Zemmour. (...)
Depuis son engagement politique en 2017, en dehors de quelques périodes de disponibilité (notamment durant les campagnes présidentielles), Jean Messiha a cumulé, selon nos informations, près de cinq ans de salaire du ministère des armées. Tout en continuant de déverser son obsession de « l’islamisation de la France » et du « grand remplacement », théorie raciste et complotiste, sur les réseaux sociaux comme sur les plateaux de télévision, notamment sur la chaîne bolloréenne CNews, où il a son rond de serviette.
En 2021, il a qualifié sur Twitter le préfet des Yvelines d’« ami » des « islamistes » et l’a associé à la « Collaboration », ce qui lui a valu une condamnation pour injure, confirmée en appel. L’année précédente déjà, il traitait de « nazislamiste fiché S » le maire de Goussainville Abdelaziz Hamida (qui a gagné son procès en diffamation contre L’Express, à l’origine des « révélations » sur son « islamisme radical ») et de « collabos » et de « traîtres » les partis politiques locaux n’ayant pas aligné de candidatures contre lui.
Dans ses interventions médiatiques, comme dans la création de cette cagnotte, le fonctionnaire semble oublier le devoir de réserve auquel il est soumis.
La légalité de la cagnotte en question
Depuis sa création, c’est aussi la légalité de cette cagnotte qui est questionnée. En raison de son objet mais aussi de la destination des fonds.
Des internautes ainsi que le collectif Sleeping Giants, qui lutte contre le financement des discours de haine, ont interpellé l’hébergeur de la collecte – la plateforme internationale GoFundMe – sur le fait que l’objet de la cagnotte ne semblait pas respecter leurs conditions générales. Celles-ci interdisent de lever des fonds avec l’objectif « implicite ou explicite de promouvoir ou d’impliquer » tout contenu « qui reflète, incite ou promeut un comportement jugé […] comme étant un abus de pouvoir ou une incitation au terrorisme, à la haine, à la violence, au harcèlement, à l’intimidation, à la discrimination, au financement du terrorisme ou à l’intolérance de quelque nature que ce soit, ou qui reflète un abus de pouvoir lié à la race, à l’origine ethnique, à l’origine nationale, à l’affiliation religieuse, à l’orientation sexuelle, au sexe, au genre, à l’identité de genre, à l’expression de genre, aux handicaps ou aux maladies ». (...)
Pour l’heure, cette cagnotte n’a pas été fermée. Lundi matin, un porte-parole de la plateforme GoFundMe a indiqué au site à Tech&Co qu’elle était « conforme à [leurs] conditions d’utilisation car les fonds seront versés directement à la famille en question », celle-ci ayant « été ajoutée comme bénéficiaire ».
Un précédent laisse pourtant penser qu’elle pourrait être interdite. En 2019, une cagnotte avait été créée pour soutenir le « gilet jaune » et boxeur Christophe Dettinger, qui, voyant des gendarmes gazer des manifestants, avait repoussé les forces de l’ordre à coups de poing. (...)
pour le soutenir, une cagnotte sur le site Leetchi avait été ouverte par l’un de ses proches et avait rapidement atteint plus de 145 000 euros. La plateforme avait fini par la fermer, faisant valoir le non-respect de ses conditions générales d’utilisation, qui « proscrivent toute incitation à la haine ou à la violence ».
Christophe Dettinger avait attaqué Leetchi pour récupérer le montant qu’il estimait lui être dû. Le tribunal judiciaire de Paris lui avait donné tort, prononçant la nullité du contrat conclu avec la société Leetchi, en retenant un motif d’atteinte à l’ordre public. Dans un communiqué, le tribunal avait expliqué que « la cagnotte a eu, initialement, pour but de soutenir un combat consistant en l’usage de la violence physique contre les forces de l’ordre » et que, « par son projet large », elle avait également pour but de « compenser les condamnations susceptibles d’intervenir à l’avenir ».
À l’époque, le ministère de l’intérieur, Christophe Castaner, avait vivement réagi, fustigeant ceux qui, selon lui, « perdent la raison » en finançant « l’action d’un casseur qui a brutalisé nos forces de sécurité ». « Certains ont à ce point perdu le nord qu’ils ne savent plus de quel côté est le droit, et trouvent bon de subventionner la violence », avait-il dénoncé.
Quatre ans plus tard, face au buzz de la cagnotte de soutien au policier qui a tué Nahel, le gouvernement et son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, n’ont cette fois pas dit un mot.
– Voir également (video) :
👉Polémiques 🛑 cagnotte 🛑 gros problème gouvernemental !!!!!!