
C’est devant la mosquée Sidi Lakhmi, dans le centre-ville de Sfax, qu’Ousmane, originaire de Guinée-Conakry, a trouvé refuge jeudi 6 juillet au matin. Deux jours plus tôt, il a été chassé de chez lui par le propriétaire de son logement. "On n’a pas le choix, il faut qu’on vienne ici, qu’on reste en groupe. Parce que si tu restes quelque part en nombre insuffisant, ils peuvent tomber sur vous, on vous blesse", explique-t-il.
Dans l’après-midi, la délégation régionale de Sfax est venue apporter de l’eau et des sandwichs à ces hommes et femmes. Un geste de solidarité qui apaise temporairement Sidide, un Ivoirien de 30 ans : "C’est des gens de bonne volonté qui viennent distribuer des choses. Sinon, il n’y a pas d’association qui vienne ici." Il ajoute que quelques Tunisiens viennent apporter leur aide aussi.
Depuis dimanche 2 juillet, des violents heurts opposent des migrants subsahariens à des jeunes Tunisiens à Sfax. La tension est encore montée d’un cran lundi soir, après la mort d’un Tunisien dans des affrontements. Depuis, des habitants se regroupent, agressent les exilés, saccagent leur maison, et pillent leurs biens.
Selon le parquet de Sfax, aucun Tunisien n’a été interpellé en lien avec les violences. En revanche, près de 80 Subsahariens ont été placés en garde à vue pour séjour irrégulier en Tunisie.
"On est désespéré, on ne sait plus quoi faire"
D’autres migrants ont été transférés de force dans des no man’s land à proximité des frontières libyennes et algériennes. Sonia, Camerounaise, raconte son calvaire par note vocale. Elle est coincée dans une zone montagneuse près de la frontière algérienne. Selon les vidéos, ils sont une cinquantaine sur place.
"On se disait que la police allait nous mettre à l’abri. Mais au contraire, la police nous a refoulés au désert. Ça fait trois jours qu’on est entre la frontière de la Tunisie et de l’Algérie. Vraiment, on est désespéré, on ne sait plus quoi faire. Un monsieur avec nous a trouvé un puits. C’est là où on s’est ressourcé. On a pris un peu d’eau, on a bu", explique-t-elle. (...)
Ils seraient des centaines dans une zone tampon près de la Libye, à 350 kilomètres de Sfax. Dans un rapport publié jeudi 6 juillet, L’ONG Human Rights Watch (HRW) condamne ces expulsions opérées "sans procédure légale". Elle estime à plus de 500 le nombre de migrants refoulés depuis le 2 juillet, dont des personnes en situation régulière en Tunisie.
"Le gouvernement tunisien devrait mettre fin aux expulsions collectives et permettre de toute urgence l’accès humanitaire aux migrants et demandeurs d’asile africains expulsés vers une zone dangereuse à la frontière tuniso-libyenne, avec peu de nourriture et aucune assistance médicale", a déclaré Lauren Seibert, chargée des droits des réfugiés et des migrants à HRW. "Non seulement il est inadmissible d’abuser des gens et de les abandonner dans le désert. Les expulsions collectives violent le droit international", a-t-elle insisté.