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Alternatives Économiques
Service national universel : un dispositif coûteux et bancal dont les jeunes ne veulent pas
#Servicenationaluniversel
Article mis en ligne le 8 janvier 2023
dernière modification le 7 janvier 2023

Promesse de campagne du candidat Macron en 2017, ce dispositif lancé en 2019 a pourtant été une nouvelle fois consacré comme une priorité du second quinquennat, puisque le dispositif est spécifiquement inscrit dans l’intitulé de la Secrétaire d’Etat, ce qui n’était pas le cas entre 2020 et 2022. Le président de la République doit par ailleurs faire des annonces début janvier, en particulier sur le caractère obligatoire du SNU, ardemment souhaité par la secrétaire d’Etat et conforme au projet initial.

Si tel devait être le choix fait par Emmanuel Macron, le coût de ce dispositif serait alors considérable : on l’estime entre 1 et 3 milliards d’euros par an pour pouvoir accueillir les 800 000 jeunes de chaque classe d’âge, auxquels s’ajoutent les investissements pour les infrastructures nécessaires, notamment pour l’hébergement.

Certes, diront ses ardents défenseurs, mais l’importance des objectifs poursuivis le justifie amplement. Le site du dispositif vante ainsi « l’aventure SNU » pour les jeunes qui « souhaitent participer à la construction d’une société de l’engagement, bâtie autour de la cohésion nationale ».

En 2018, Gabriel Attal, alors en charge de la question, voyait même dans le SNU « la grande réforme de société du quinquennat », mettant en avant l’utilité du dispositif pour renforcer la mixité sociale, l’engagement et la cohésion nationale. Comment ne pas partager de telles finalités ?
De graves défauts

Pourtant, ce dispositif souffre de graves défauts qui ont suscité de multiples critiques. Les principales associations, syndicats, collectifs et mouvements de jeunesse ont, dès 2017, fait part de leur farouche opposition à ce qui serait une obligation, rapidement rejoints par de grandes voix du tissu associatif, des milieux éducatifs et militaires, premiers secteurs concernés par son déploiement.

Tout d’abord, dès l’origine, ce dispositif est apparu bancal, attestant d’une hésitation permanente. D’une part, conformément à l’engagement de la création d’un « service militaire obligatoire et universel d’un mois » inscrit dans le programme 2017 du candidat Macron, le dispositif a pris des accents très militaires. Les jeunes en SNU portent ainsi l’uniforme, assistent à la « levée des couleurs » (le drapeau français) et doivent chanter l’hymne national.

Ces inspirations de la culture militaire ont donné lieu à des scènes inquiétantes, à l’image d’une punition collective nocturne révélée cet été, ou encore de la perte de connaissance de 22 jeunes lors d’une cérémonie officielle en 2019, forcés de rester debout sous le soleil en pleine canicule. De quoi également poser des questions sur les conditions de sécurité de ces séjours et certains risques pour les mineurs concernés, liées notamment à l’inadaptation des moyens humains mobilisés pour ce dispositif. (...)

Derrière les grands mots et les phrases grandiloquentes sur l’« amour de la République », la transmission des valeurs républicaines, le sens civique ou la cohésion, la nature des objectifs précis de ce dispositif et son projet pédagogique restent flous et son articulation avec le système éducatif largement impensée.

Si l’on en revient aux grand objectifs affirmés (renforcer la mixité sociale, l’engagement et la cohésion nationale), il y a de quoi être sceptique sur l’utilité des « séjours de cohésion » de deux semaines seulement où les jeunes quittent leur département pour rejoindre des unités non-mixte. Les défenseurs de la réforme rétorquent que le dispositif prévoit aussi une mission d’intérêt général de 84 heures, mais elle n’est pas davantage pensée que le reste du dispositif.

Quant à la période d’engagement de trois mois minimum que les jeunes peuvent aujourd’hui choisir de suivre ensuite, encore faudrait-il qu’ils trouvent une structure en capacité de les accueillir (...)

« Une mauvaise réponse à de vraies questions »

Par ailleurs, comme le soulignait très justement dès 2018 un collectif d’associations de jeunesse, l’« engagement ne peut être que volontaire. L’imposer est un non-sens ». Le collectif dénonçait aussi « une mauvaise réponse à de vraies questions ». « Plutôt que d’investir entre 1 et 2 milliards d’euros dans le SNU, poursuivaient-ils, valorisons et soutenons les mécanismes existants (associations culturelles, sportives, de jeunesse, écoles, colonies, classes vertes, etc.) ».

Enfin comment prétendre parler de mixité sociale, quand on sait que les jeunes sont désormais les premiers concernés par la pauvreté ? (...)

Commençons donc par régler cette question en offrant, comme la gauche réunie l’a proposé en juin, une garantie d’autonomie aux jeunes de 18 à 25 ans détachés du foyer fiscal parental (et dès 16 ans pour les lycéens de l’enseignement professionnel). Revalorisons les Aides personnalisées au logement (APL) ainsi que l’allocation de rentrée scolaire, en l’ouvrant dès l’âge de trois ans. Soutenons les associations dans lesquelles les jeunes s’engagent, ainsi que les colonies de vacances et les classes vertes. Enfin, et surtout, écoutons les jeunes, leurs contre-propositions sont nombreuses et riches. Ils les ont clairement exposées, par exemple dans la tribune de 2018 des principales associations de jeunesse mentionnée ci-dessus. Sans surprises, le SNU n’en fait pas partie.