
Dans son bureau du palais de justice de Turin, Sara Panelli, substitut du procureur de la République, se souvient de l’enquête au long cours qui a permis à ce procès hors normes de s’ouvrir en décembre 2009.
Dans son bureau du palais de justice de Turin, Sara Panelli, substitut du procureur de la République, se souvient de l’enquête au long cours qui a permis à ce procès hors normes de s’ouvrir en décembre 2009.(...)
Nous sommes le 14 juin 2011, et le matin même a débuté le réquisitoire du ministère public contre les deux têtes qui ont dirigé pendant de longues années Eternit, l’empire de l’amiante-ciment. Cartier de Marchienne (Eternit Belgique) et Schmidheiny (Eternit Suisse) se voient accusés d’être responsables d’un « désastre sanitaire » pour avoir omis de prendre des mesures de prévention contre les risques liés à l’exposition à l’amiante afin de protéger les ouvriers des quatre usines italiennes du groupe. Il leur est reproché également d’avoir mis en danger la sécurité publique hors des établissements concernés(...)
Minamata, Seveso, Bhopal, Porto Marghera : autant de catastrophes industrielles qui ont donné lieu à des procès mais où la responsabilité des donneurs d’ordre n’a pas été mise en lumière.(...)
Du point de vue de la recherche des responsabilités, le procès Eternit de Turin constitue une avancée sans précédent. (...)
Jusqu’alors, il faut le rappeler, seuls les dirigeants de telle ou telle usine étaient mis en cause lorsque la justice se saisissait de plaintes déposées par des associations de victimes ou des syndicats. Les donneurs d’ordre demeuraient hors d’atteinte. L’instruction menée à Turin pendant sept ans et le réquisitoire du 14 juin 2011 sont venus bouleverser cette pratique observée dans les procès précédents.(...)
Indispensable pour comprendre le désastre des usines et des villes italiennes, ce détour par l’histoire de l’industrie de l’amiante est venu rappeler ce que les nombreuses auditions des témoins et des experts du ministère public, comme des parties civiles, avaient mis en lumière : l’industrie de l’amiante-ciment avait pour seul objectif d’assurer la pérennité de son activité, quel qu’en soit le coût pour les ouvriers et la population environnante(...)
Il n’est pas inutile de rappeler que ce procès Eternit s’est déroulé pendant un an et demi conjointement avec un autre procès, engagé après un accident qui a bouleversé la population turinoise. Le 6 décembre 2007, sept ouvriers de la ThyssenKrupp mouraient brûlés vifs des suites d’un incendie sur la ligne 5 de l’usine, celle du laminoir. L’aciériste, qui entendait fermer à terme son usine turinoise, avait décidé de ne plus investir dans la sécurité sur le lieu de travail : extincteurs vides, absence d’installation anti-incendie… L’explosion a fait des ravages parmi des ouvriers contraints de travailler douze heures par jour sous peine d’être licenciés.
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Avant le verdict du procès Eternit, attendu pour la fin de l’année, celui de la Thyssenkrupp a confirmé le rôle précurseur de la justice italienne dans le domaine de la sécurité au travail. Un rôle souligné par l’avocat français Jean-Paul Teissonnière, qui plaide pour les parties civiles aux côtés des avocats italiens, belge et suisse : « Ce n’est pas une catastrophe locale, elle n’est pas due à des circonstances imprévues, mais elle est le résultat d’une organisation d’entreprise pour l’obtention de profits exceptionnels.
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La fin de l’année 2011 dira si le procès Eternit marque bien une nouvelle avancée dans la prévention des crimes industriels.(...) Wikio