
Cet ouvrage collectif, dirigé par les historiens Daouda Gary-Tounkara et Didier Nativel, engage une réflexion sur la production et la circulation des savoirs propres existants en Afrique subsaharienne, comme facteurs de transformation, d’autonomisation et d’éclairage des relations de pouvoir. Pourtant, le genre brille par son absence.
Dans cet ouvrage collectif, Daouda Gary-Tounkara et Didier Nativel engagent à poursuivre une réflexion ouverte lors du colloque international organisé à l’université Paris Diderot-Paris 7, en 2009 sur « La fabrique des savoirs en Afrique subsaharienne : acteurs, lieux et usages dans la longue durée ». Comme la rencontre, l’ensemble des auteur-es mobilise ses recherches de terrain au sud du Sahara (Sénégal, Madagascar, Mauritanie, Mali, Guinée, Burkina Faso, Ghana, Rwanda, Burundi, Éthiopie) afin de développer une vision sociopolitique et symbolique de la multiplicité des savoirs propres existants en Afrique. Dans une démarche pluridisciplinaire, il analyse en quoi la production et la circulation des connaissances et des compétences aux formes et aux contenus diversifiés participent d’une dynamique de transformation contemporaine.
Qu’il s’agisse de lettré-es ou de non lettré-es, d’hommes ou de femmes, de pauvres ou d’aristocrates, d’intellectuel-les, d’artistes, d’agent-es de l’État ou d’organisations de la base, de prostitué-es, de traditionnalistes, tou-tes produisent des savoirs, qu’il-elles font circuler selon des modes spécifiques. Tou-tes participent de la construction de cultures locales ou nationales. Par cette diffusion de savoirs, le pouvoir et ses normes sont questionnés tout autant que les rapports de domination et de subalternité. Les contrôlé-es ne deviendraient-ils pas des contrôleur-es ? Les institutionnalisé-es des institutionnalisant-es ? (...)
cet ouvrage nous laisse pourtant sur la faim qu’il a provoquée : comment ne pas traiter des savoirs différenciés de genre en Afrique ? Comment ne pas évoquer une seule fois les modes de transmission des savoirs spécifiques par les femmes ? Comment ne pas aborder l’invisibilité des savoirs des femmes par les dominant-es et en particulier par les acteur-trices dont il s’agit dans les mêmes pages de ce livre ? En quoi les producteur-trices des savoirs au sud du Sahara sont-ils les agent-es de reproduction de rapports de domination et de subordination autant qu’ils sont porteurs d’innovation et de transformation sociale ? En quoi sont-ils inhibiteur-trices d’autonomisation des femmes d’Afrique autant qu’il-elles sont révélateur-trices d’une recomposition des économies de la connaissance ? Voici quelques pistes de réflexion que nous mettons au crédit du débat qu’ont le mérite d’avoir ouvert les auteur-es de cet ouvrage. (...)
GARY-TOUNKARA, Daouda & NATIVEL Didier (dir) (2012). L’Afrique des savoirs au sud du Sahara (XVI°-XXI° siècles). Acteurs, supports, pratiques. Paris : Karthala. 439 p. 32€.