
Si les annonces officielles sur le service national universel ont été reportées, le projet porté par le président de la République reste entier. Lors d’un échange avec la FSU, la secrétaire d’Etat à la jeunesse et au SNU a confirmé toutes les craintes d’une généralisation du dispositif, conçue comme une obligation, avec les élèves de Seconde en ligne de mire.
Silence dans les rangs ! Voilà le mot d’ordre passé à tous les rectorats dont dépendent les départements où le SNU deviendrait obligatoire pour les élèves de Seconde à partir de janvier 2024. Les départements du Cher, des Hautes Alpes, des Vosges, le Finistère, la Dordogne et le Var seraient les (mal-)heureux élus. D’autres départements ont été envisagés mais compte tenu des difficultés organisationnelles, le ministère ira difficilement au-delà cette année mais on imagine que cette liste peut être encore modifiée.
Tous les lycées de ces départements « expérimentateurs » auraient à organiser le départ des élèves pour deux semaines en « séjours de cohésion » vers des centres de SNU, et ce, sur le temps scolaire. En 2025, cela concernerait 20 départements avant la généralisation totale en 2026, soit 800 000 élèves. Le président de la République aurait écarté une autre hypothèse, celle d’un SNU concentré pendant les vacances scolaires.
Le ministère de l’Education nationale envisage donc le plus sérieusement du monde de supprimer deux semaines de cours en Seconde.
L’apprentissage de la citoyenneté version SNU (...)
Le SNU fait donc partie intégrante d’un projet plus ample de réforme des institutions et du cadre de la vie démocratique. Il est aussi l’expression d’une conception de l’éducation à la citoyenneté qui fait de l’organisation militaire un modèle à suivre.
L’EMC sur la sellette
Dans l’hypothèse d’un SNU obligatoire sur le temps scolaire, aux dires mêmes de la secrétaire d’Etat, il faut envisager un passage par la loi. Il est aussi prévu de saisir le conseil supérieur des programmes pour repenser l’enseignement moral et civique et son articulation avec le « cadrage pédagogique » d’un SNU vu comme l’aboutissement du « parcours citoyen ». (...)
Tout cela constitue en soi une menace contre l’enseignement moral et civique tel qu’il se pratique au lycée et une mise en cause directe des pratiques pédagogiques des enseignants dans le cadre de la classe. Plus généralement, cela consacre l’idée que l’école de la République n’est plus le lieu par excellence de la fabrication de la nation.
Emancipation, résilience, mixité…
Lors des échange entre la FSU le 9 février dernier, si la secrétaire d’Etat n’a cessé de mettre en avant les objectifs de mixité sociale et d’inclusion des jeunes en situation de handicap, elle a dit voir dans le SNU un moyen de reconstituer l’unité perdue du système scolaire (...)
tous les arguments sont bons, y compris les plus improbables pour justifier l’extension du dispositif.
Derrière la communication ministérielle, de nombreuses questions en suspens (...)
La question de l’organisation et de l’encadrement n’est pas le moindre des problèmes. Tous les élèves de Seconde d’un lycée partiraient en même temps et seraient répartis dans des centres dédiés. Les centres de SNU devraient être dotés à terme de véritables équipes à temps plein, composées pour un tiers de volontaires de l’Education Nationale (personnels, détachés ou sur poste à profil), pour un tiers issus de l’éducation populaire et pour un tiers issus de corps en uniformes non actifs (réservistes, reconversion). Les séjours seraient étalés de janvier à juin en 2024 et d’octobre à juin les années suivantes. Dans les lycées, il faudrait donc prévoir une organisation qui tiennent compte de l’absence des élèves de Seconde dans un calendrier scolaire désormais soumis aux contraintes du SNU.
Comment contraindre les jeunes à partir en « séjour de cohésion » alors qu’aujourd’hui, aucun voyage scolaire ne peut être imposé ? (...)
aucune disposition type « objection de conscience » n’est envisagée car, précise-t-elle, « ce n’est pas un service militaire ».
Mais, le SNU, qu’est-ce que ça peut bien être ?
Le décret du 29 juillet 2020 décrit les objectifs du SNU et l’inscrit pourtant clairement dans le code du service national (...)
Non au SNU !
Il ne serait pas acceptable qu’une telle chose voie le jour ! Que ce gouvernement envisage de consacrer plusieurs milliards annuels au SNU est révélateur des priorités politiques qui l’animent. Même si des réunions ont déjà eu lieu dans les rectorats pour préparer la généralisation du SNU, même si la déléguée générale au SNU récemment nommée et ses deux adjoints ont prévu de nombreux déplacements dans les départements expérimentateurs, il est encore temps de renoncer.
Pour le SNES-FSU, Le SNU constitue une attaque en règle contre les principes même d’un système éducatif qui fait de l’émancipation par les savoirs, le coeur de son organisation. Les jeunes ont besoin d’école, pas d’un dispositif de domestication qui dévoie les symboles de l’armée au profit d’un projet politique qui vise une fois de plus à affaiblir l’Education nationale.
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– (Academia/Hypothèses)
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