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Ruée vers la 5G : “Les citoyens doivent se réapproprier la technologie, pour ne pas la laisser au seul marché”
#5G #sobriétéEnergétique
Article mis en ligne le 24 janvier 2023
dernière modification le 23 janvier 2023

Gouffre énergétique, études discutables… Marceau Coupechoux, membre d’EcoInfo, s’inquiète du manque de réflexion sur la 5G, et pointe une précipitation irresponsable alors que le gouvernement en a fait un phare de son plan d’investissement France 2030.

Progrès ou piège énergétique ? Le numérique représenterait jusqu’à 4 % des émissions de gaz à effet de serre en 2022 dans le monde, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep). Et la 5G, figure de proue du plan d’investissement France 2030 du gouvernement, est décriée par la communauté scientifique comme un gouffre énergétique. Les organismes qui promeuvent un numérique écoresponsable, comme EcoInfo, consortium indépendant de chercheurs et d’experts en informatique et réseaux, ont du mal à se faire entendre. Rencontre avec Marceau Coupechoux, professeur d’informatique à l’école d’ingénieurs Télécom Paris et à l’École polytechnique, et membre d’EcoInfo. (...)

“Ce qui prime, c’est la course aux nouvelles fonctionnalités, désirées par les industriels, les pouvoirs publics et les ingénieurs.” (...)

L’argument phare du gouvernement est que la numérisation du travail et de certaines activités entraînerait une nette diminution de l’empreinte carbone. Est-ce vérifiable ?
Aucune étude académique ne permet aujourd’hui de le quantifier à l’échelle globale. Les seules recherches disponibles ont été menées par des groupements d’intérêt, telle l’étude GSMA 2019, menée par l’association mondiale des opérateurs télécom (avec à sa tête jusqu’en 2020 le pdg d’Orange, Stéphane Richard). Elle conclut que le numérique évite dix fois plus d’émissions qu’il n’en produit, grâce par exemple au télétravail, à la vente par correspondance d’objets d’occasion… Cependant, ce type d’étude est entaché du soupçon de conflit d’intérêt, les méthodologies et sources utilisées sont très discutables.

Quelle est notre marge de manœuvre face à une telle machine économique ?
Les citoyens doivent se réapproprier les usages de la technologie, pour ne pas la laisser au seul marché. On pourrait par exemple associer des citoyens tirés au sort, des associations environnementales ou de consommateurs, des chercheurs, des syndicats. Pour cela, les réseaux mobiles devraient être considérés comme un « bien commun », soit un ensemble de ressources dont il faut assurer le développement durable, sans exclure quiconque. L’État pourrait garantir l’accès égal aux besoins fondamentaux, et ces services seraient coproduits et cogouvernés par les différents acteurs. Les confier uniquement à l’État me paraît illusoire, car il n’a eu de cesse ces dernières années de saper les fondements des services publics. (...)

À propos de réappropriation par les citoyens, un plan de sobriété doit-il passer par une limitation de nos usages ?

Si l’on parle de sobriété numérique, inévitablement se pose cette question. Mais que doit-on réduire ? Les téléconsultations médicales, ou le streaming de publicités pour des SUV ? Des hiérarchisations des besoins existent déjà en France, par exemple à Dunkerque, avec des modèles de besoins en eau (pour l’eau potable, les piscines, l’arrosage…). Avec un classement, des besoins numériques « essentiels » seraient disponibles à un prix très faible ; des besoins « utiles », facturés de manière progressive en fonction de leur impact, tandis que des « usages de confort » pourraient être soumis à autorisation. Mais comment décider quels usages sont essentiels ou non ? À nouveau, il faudrait repenser la gouvernance des réseaux mobiles, afin que les citoyens puissent planifier la réduction des impacts environnementaux et détailler leur feuille de route.