Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Guitinews
“Rôles modèles” : pourquoi on en a encore besoin
Article mis en ligne le 19 novembre 2020
dernière modification le 18 novembre 2020

« Quand je serai grand.e, je serai comme – insérez la personne de votre choix – ». Voilà une phrase qu’on a tous.tes dit ou entendue à de nombreuses reprises. « Je veux être comme lui », « J’aimerais faire comme elle » : les modèles sont partout et puissants dans la capacité de nous projeter vers un idéal existant.

Apparue dans la culture anglo-saxonne, la notion de ‘rôle modèle’ est attribuée au sociologue Robert K. Merton qui la définit comme « une personne dont le comportement, l’exemple ou le succès est ou peut-être une stimulation pour d’autres personnes ».

Le sujet est souvent revenu dans les débats sur les inégalités sociales, mais également au sein de différents mouvements féministes qui soulignent l’importance pour les femmes de disposer de modèles pour pouvoir se projeter, à l’image de Gisèle Halimi ou de Simone Veil, qui ont su inspirer des générations entières.

Si certains trouvent ce concept enfermant, il est rendu nécessaire par une réalité propre à la structure même de notre pays, où la mobilité sociale est extrêmement limitée. C’est notamment ce que souligne le sociologue Jules Naudet dans une publication sur Cairn.info : « La France serait un pays déchiré entre l’attachement aux principes égalitaires d’un côté, et le maintien de formes de distinction héritées de sa tradition sa aristocratique de l’autre ».

C’est face à ce constat que structures, collectifs et individus se sont lancés dans la démarche d’être ou de fournir des ‘rôles modèles’ à ceux qui en auraient besoin. Là où leur présence pourrait faire la différence.

Info, réseau, confiance : le triptyque manquant

Un constat est à l’origine de la création de ces associations : le manque ou l’absence de trois éléments clés qui freinent les jeunes dans leurs ambitions.

En premier lieu, c’est le manque d’informations qui pose problème. Quels diplômes, et pour faire quoi ? Qu’est-ce qu’une classe préparatoire ? A quoi servent les études longues ? Autant de questions qui restent souvent non abordées, car les parents n’y ont pas été confrontés, n’ont pas la réponse ou le réseau nécessaire pour fournir des outils ou des contacts. Comment se projeter dans une réalité qui n’existe pas dans son environnement proche ?

Vient ensuite la problématique du réseau, qualifiée de capital social par le sociologue Pierre Bourdieu (...)

Vient enfin le dernier point, qui n’est pas des moindres, à savoir le manque de confiance en soi. Un sentiment qui peut avoir une incidence très concrète : l’autocensure dans ses projets et ses envies. (...)

Sortir du mythe de l’école comme rempart contre les inégalités

Il semble que la France soit dans un déni profond, « on ne se rend pas compte que notre pays est dans le dernier quart des pays de l’OCDE est dans le classement PISA, ndlr) et qu’il faut six générations pour sortir de la pauvreté en France », insiste Benjamin Blavier, co-fondateur d’Article 1, une association de lutte contre l’inégalité des chances. (...)
La réussite en question

Selon les milieux, la réussite ne renvoie pas à la même chose. Dans le secteur artistique par exemple, il est plus rare que les connexions des parents soient en relation avec la carrière de leurs enfants. Les codes et circuits économiques du marché de l’art nécessitant temps et relations pour être décodés. (...)

Car oui, réussir a des significations diverses. Elles ne se limitent pas à faire Polytechnique ou l’ENA. Le diplôme, même s’il reste un moyen d’acquérir une certaine forme de liberté, ne mène pas toujours à la réussite, notion qui relève bien plus de la sphère de l’intime. Un grand nombre de jeunes ayant bénéficié des programmes d’Article 1 ont d’ailleurs engagé une réflexion sur la question de l’utilité commune comme chemin de traverse vers la réussite. « On vous a donné les armes, les codes, vous êtes à la frontière des mondes, emparez-vous en ! », les encourage Benjamin Blavier.

Car oui réussir, c’est peut-être davantage avoir tous les outils en main pour être libre de son imaginaire. Pour façonner, à sa façon, le chemin qui fait sens, sans y être entravé. Et dans cette approche, nul ne pourra nier qu’avoir un modèle en vue permet de gagner du temps !