
Suite à l’arrêt A.M. c/ France rendu le 12 juillet dernier par la CEDH condamnant la France en raison de l’insuffisance du contrôle de la rétention opéré par le juge administratif, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (oEE) s’est adressé au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, dans une lettre ouverte.
Paris, le 25 juillet 2016
(...) La Cour a ainsi considéré que le requérant avait subi une violation du droit, consacré par cet article, de faire statuer à bref délai sur sa détention. Pour ce faire, la Cour a constaté l’insuffisance du contrôle de la rétention opéré par le juge administratif en ce qu’il ne se reconnaît pas compétent pour contrôler la régularité des actes accomplis avant la rétention et ayant mené à celle-ci, notamment les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’interpellation de la personne étrangère[1].
Vous savez également qu’aux termes de la législation actuellement en vigueur le contrôle de « la régularité des actes accomplis avant la rétention et ayant mené à celle-ci » appartient au juge des libertés et de la détention (JLD), lequel n’intervient qu’à l’issue d’un délai de cinq jours à compter du placement en rétention et sur la saisine de l’autorité administrative. Ce sont donc les dispositions de la loi du 16 juin 2011 repoussant ce contrôle, auparavant exercé dans les quarante-huit heures, à cinq jours – et l’inversion de l’ordre des contrôles du juge judiciaire et du juge administratif qui en est résulté – qui sont en l’espèce condamnés par la Cour européenne des droits de l’Homme[i].
Il aura fallu près de quatre années pour que votre gouvernement et les parlementaires preniez finalement le parti de faire corriger, dans la loi du 7 mars 2016, ces dispositions dénoncées dès l’origine et avec force par nos organisations.
Tirant par avance les leçons de cette décision de la CEDH, le législateur a en effet rétabli le délai de 48 heures pour la saisine du JLD et unifié le contentieux de la rétention entre ses mains. Il a toutefois retardé l’entrée en vigueur de ces dispositions au 1er novembre prochain, de sorte que les trop nombreuses personnes qui seront placées et maintenues en rétention jusqu’à cette date ne bénéficieront toujours pas d’un recours effectif et seront retenues au mépris des prescriptions de la Convention européenne, le contrôle opéré par le juge administratif restant insuffisant et celui opéré par le juge judiciaire, lorsqu’il est saisi, restant tardif. Vous avez toutefois le moyen de prendre immédiatement en compte cette décision de la Cour européenne des droits de l’Homme qui s’impose afin que partout en France soit respecté le droit fondamental à un recours effectif. (...)