
Il y certains événements dont la portée peut aussitôt s’avérer incalculable. Dans ce sens, nous serions déjà sortis de l’économisme et peut-être bien de sa mécanique hors-pair au service d’une dictature implacable. Tel est d’ailleurs le sujet du jour depuis avant-hier, “finalement notre régime est bien plus dangereux qu’une dictature, car nos tyrans portent toujours cette robe déchirée de la Démocratie”, disait une jeune femme dans un café athénien situé près d’une clinique et s’adressant au gérant de l’établissement.
Le silence ainsi imposé aux radios de service public ainsi qu’à ses chaînes de télévision est d’abord ressenti comme un manque, une perte, voire une disparition. Une disparition mais qui s’ajoute à tant d’autres depuis l’instauration en Grèce depuis 2010, de ce régime politique bien particulier, car “légitimé” par le trauma perpétuel. (...)
Pour Aliki, une aide-soignante le choc ressenti, a été bien rude : “Je ne m’attendais pas à cela. Alors on ferme un service en jetant les gens dehors, comme on fermerait une porte, que dire de plus ? Je pensais que nous avions accordé un certain consentement au gouvernement pour que nos sacrifices puissent enfin permettre l’embellie même timide d’ici-là quelques mois, mais je comprends à présent que nous nous sommes trompés”. Mercredi matin et sur la place centrale d’Agia Paraskevi à deux cent mètres du bâtiment d’ERT, c’était le moment du double café nécessaire et pourtant si amère pour les employés : “Nous ne dormons plus depuis hier, nous occupons le bâtiment, déjà qu’ailleurs la police a pris d’assaut certains studios ou locaux d’ERT à Thessalonique ou ailleurs et nous sommes bien déterminés”. Sur la terrasse d’un autre café sur cette même place, l’échange entre deux chirurgiens fut tout autant significatif : “Après ce qu’ils ont fait ces salopards, on sait qu’ils n’auront plus aucune retenue. Moi, je ne resterai plus ici pour devenir un gestionnaire obligé de la misère imposée à tous ces pauvres gens. Déjà que dans nos services c’est la m... Eh bien non. Je vais téléphoner ce soir à Sakis, c’est un des meilleurs chirurgiens du pays du sais dans notre spécialité, nous formerons alors tous ensemble une véritable équipe à Dubaï”. C’est ainsi que l’onde de choc de la mise à mort d’ERT traverse toutes les couches sociales.
Nous aussi, nous formons tant... de belles équipes depuis deux jours au bâtiment de la radiodiffusion d’ERT à Agia Paraskevi et nous y resterons. À part une certaine sociologie politique issue de la gauche athénienne, sur le terrain, on y découvre également ce large spectre de ces nombreux citoyens supposés politiquement anonymes et qui convergent jour et nuit vers le bâtiment. Hier mercredi, c’était même sous l’orage, très fort d’ailleurs, que l’occupation des lieux, les diverses actions et jusqu’au concert du soir ont eu lieu. (...)