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La Quadrature du Net
Rapport MIQ : censure extra-judiciaire et police privée au nom de la protection du droit d’auteur
Article mis en ligne le 14 mai 2014

Régulièrement reportée depuis le mois de janvier, la remise du rapport de Mireille Imbert-Quaretta sur la « prévention et la lutte contre la contrefaçon en ligne » à la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti a eu lieu lundi. Comme le laissaient craindre les prises de position des responsables de la Haute autorité et le rapport Lescure publié en mai 2013, sous couvert de lutter contre la contrefaçon commerciale, ce nouveau rapport propose d’instaurer de dangereuses mesures de censure et de blocage sans intervention du pouvoir judiciaire.

Alors que la répression conduite par la Hadopi visait jusqu’à présent les échanges en P2P, ce rapport cherche à cibler les sites de streaming et de téléchargement direct, en proposant des moyens d’assécher leurs ressources financières. Cette approche “follow the money” était déjà au cœur de la loi SOPA aux États-Unis, repoussée en 2012 suite à une large mobilisation citoyenne en défense des libertés. Comme c’était également le cas dans l’accord ACTA, l’idée principale de ces mesures consiste à impliquer des intermédiaires dans la lutte contre la contrefaçon en ligne, avec des dommages collatéraux importants sur la protection des droits dans la mesure où le juge se retrouve marginalisé ou contourné au profit d’autorités administratives et d’entreprises privées. Il s’agit notamment de « responsabiliser » les acteurs qui sans être responsables d’actes de contrefaçon « engendrent des revenus aux sites massivements contrefaisants ».

Pour renforcer l’implication des acteurs de la publicité et du paiement en ligne, le rapport préconise l’adoption de chartes, dans lesquelles ils s’engageraient à ne plus fournir leurs services à des sites désignés par l’autorité comme abritant massivement de la contrefaçon. Cette approche privilégiant le « droit souple » et « l’autorégulation » pourrait paraître à première vue moins critiquable que la répression par des sanctions, le rapport proposant l’instauration d’une « mission d’information » confiée à une « autorité publique », un « tiers de confiance », dont le rôle serait de dresser une liste noire de sites contrefaisants, sur la base de critères « objectifs ». En réalité, ces propositions portent en elles le risque de déléguer à des acteurs privés la lutte contre la contrefaçon commerciale, là où seul le juge est à même de garantir la protection des droits fondamentaux, notamment à un jugement équitable et contradictoire. Ainsi, La Quadrature du Net rappelle avec force que seul un juge devrait pouvoir dresser de tels constats, dans le cadre d’une procédure respectueuse des droits de la défense. Même si le rapport prévoit que cette liste serait publique et ne va pas jusqu’à envisager des sanctions pour les intermédiaires refusant de se prêter à ce système d’autorégulation – comme la loi SOPA et l’ACTA tentaient de l’imposer et comme le réclament certains lobbies de l’industrie culturelle – il n’en reste pas moins que la pression imposée à ce type d’acteurs sera suffisamment forte pour les pousser à mettre en œuvre une forme de censure privée. Les régies publicitaires ont déjà été sollicitées pendant la réalisation du rapport pour sonder leur propension à coopérer sur ces bases. (...)

"Si le gouvernement envisageait réellement d’inscrire dans la loi de telles dispositions et de persister dans le développement des politiques répressives dans le domaine numérique démarré par ses prédécesseurs, les citoyens devraient se mobiliser d’urgence pour faire enfin entendre leur voix dans ce débat » déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.