
Que les élèves le voient et le savent, et qu’immanquablement ils nous posent des questions, à tout âge, avec des mots différents à chaque fois. Que nous devons apaiser des angoisses et des colères qui parfois se dirigent contre nous, c’est compréhensible.
— Laurence De Cock (@debatdecole1) October 20, 2021
— Laurence De Cock (@debatdecole1) October 20, 2021
École et République : un lien chahuté
10 février 2021
À quoi sert l’École
À l’heure où le parlement français étudie une loi sur le « séparatisme » qui transforme les valeurs républicaines en cadre rigide et hostile à toute possibilité de débat, il est utile de rappeler que les liens entre École et République connaissent depuis plus de trente ans des tensions liées à cette crispation progressive sur un modèle républicain devenu davantage machine à punir qu’à accueillir.
École, identités culturelles, religion, laïcité. L’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020 dans les Yvelines, a relancé les débats autour de ces questions, le gouvernement convoquant la « République » de manière autoritaire pour maintenir l’ordre social et moral. Or les incompréhensions et ornières entourant ces sujets très clivants s’inscrivent dans une histoire plus longue des relations entre la République et son École, qu’il est utile de rappeler. Y aura-t-il un jour des mots assez forts pour décrire l’horreur d’une décapitation d’un enseignant, devant son collège, à la suite d’une campagne de dénigrement orchestrée sur les réseaux sociaux par la nébuleuse de l’islamisme radical, appelant à dénoncer un blasphème proféré dans le cadre d’un cours ? L’abominable s’est produit le 16 octobre 2020 avec l’assassinat de Samuel Paty.
Une fois passé le temps de la stupeur et de l’hommage, la réaction gouvernementale s’est focalisée sur une ligne sécuritaire, répressive et très agressive à l’encontre de ceux et celles qu’elle estime « complices » du pire, à commencer par une gauche « islamogauchiste ». L’accusation de déni est arrivée dans la foulée et, pour l’École, a ciblé les enseignants qui, depuis longtemps, s’opposent à une criminalisation des enfants, surtout dans les quartiers populaires, et a fortiori musulmans.
Quelques semaines avant l’attentat, l’ex-inspecteur général de l’Éducation nationale, Jean-Pierre Obin, avait publié un ouvrage en ce sens (...)
L’Observatoire de la laïcité, dont la fonction est de fournir des analyses de situations sociales (à l’École comme ailleurs) mettant en jeu les questions de laïcité, au regard de la loi de 1905, est lui aussi traîné dans la boue lors d’une campagne orchestrée médiatiquement par une nébuleuse allant du gouvernement à l’extrême droite en passant par le Printemps républicain (...)
en septembre 2020, en pleine canicule, des jeunes collégiennes se font réprimander pour leur tenue vestimentaire, jugée trop aguicheuse. De nombreuses tribunes féministes réaffirment la liberté de se vêtir sans prendre le regard masculin comme arbitre de la mode et de la morale. Il est alors question d’adapter les règlements intérieurs des établissements pour y introduire une norme vestimentaire. Certains font le rapprochement avec la circulaire 2004 sur la laïcité interdisant les signes ostentatoires. Interrogé sur le sujet, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, insistant sur le nécessaire caractère « républicain » des tenues des jeunes filles, répond par un appel tout à fait incongru à la décence vestimentaire selon des normes plus masculines que républicaines…
Ce dialogue impossible entre les défenseurs d’une République indifférente aux différences et ceux d’une approche bienveillante aux identités plurielles fige des positions qui peuvent mener au pire. Le terrorisme islamiste ne s’y trompe pas en misant sur le déclenchement pavlovien de la peur et du rejet de l’islam et des musulmans. Nos fractures politiques lui déroulent un tapis rouge.
Il est donc plus que temps de trouver une tierce voie qui, sans rien concéder aux valeurs et principes démocratiques et républicains, permette d’assumer les legs culturels multiples constitutifs de notre société, sans déni, sans perpétuations d’ancestrales dominations, et sans qu’aucun droit ne soit bafoué.
Laurence De Cock