
L’errance et la délinquance des adolescents étrangers vivant en bidonvilles, supposément roms, sont-elles spécifiques ? Non, nous dit le directeur de l’association Hors la rue : c’est la précarité induite par la vie en bidonville qui singularise la situation d’une population dont les comportements et les actes ne diffèrent pas, par ailleurs, des cas ordinaires d’enfance en errance. Celle-ci gêne en effet la mise en œuvre des dispositifs habituels de protection de l’enfance.
(...) En France, on estime entre 8 000 et 12 000 le nombre d’enfants vivant en bidonvilles ou en squats. Principalement originaires d’Europe de l’Est (de Roumanie, de Bulgarie ou de pays d’ex-Yougoslavie), 5 000 à 7 000 de ces enfants atteindront l’âge de 16 ans sans avoir été scolarisés, ou après avoir connu une scolarisation chaotique [1]. Cet état de fait pose évidemment la question du devenir de ces enfants à l’adolescence, moment crucial du développement des personnes. Le déficit de scolarisation favorise, en effet, l’errance des adolescents, qui peut alors s’accompagner d’activités délictuelles [2] plus ou moins graves, parfois réalisées sous la contrainte.
Si l’errance d’adolescents et la délinquance qui peut l’accompagner ne sont pas propres aux jeunes Roms d’Europe de l’Est, la particularité des conditions de vie d’une partie d’entre eux, à savoir le fait de vivre en bidonville, rend leur situation spécifique. En effet, le déficit de scolarisation qui les conduit dans la rue est directement lié à la vie en bidonville. Il est l’effet de leurs démantèlements répétés et du refus par les communes d’inscrire les enfants, évitant ainsi de reconnaître la présence des familles sur leur territoire [3]. En outre, la vie en bidonville empêche la bonne mise en œuvre des dispositifs judiciaires et d’accompagnement habituels de l’errance et la délinquance adolescentes. Le travail de l’association Hors la rue consiste à faire le lien entre ces mineurs et des dispositifs de protection qui sont, en l’état, inopérants pour eux. (...)
Les « enfants roms » : des situations diverses
Au-delà du caractère unique de chaque situation individuelle existent des logiques propres à chaque groupe, contredisant l’idée reçue d’une population rom homogène : fuyant la pauvreté en Roumanie ou en Bulgarie, les familles se regroupent souvent en fonction de leur appartenance à un village ou une région. L’origine rurale ou urbaine est l’un des facteurs différenciant ces jeunes : certains ne sont jamais allés à l’école, d’autres ont pu être scolarisés par le passé. Cette origine détermine également un certain niveau social : il existe, en effet, des disparités, même dans la précarité. Les activités qu’ils exercent s’en trouvent influencées (...)
Les « enfants roms » : des situations diverses
Au-delà du caractère unique de chaque situation individuelle existent des logiques propres à chaque groupe, contredisant l’idée reçue d’une population rom homogène : fuyant la pauvreté en Roumanie ou en Bulgarie, les familles se regroupent souvent en fonction de leur appartenance à un village ou une région. L’origine rurale ou urbaine est l’un des facteurs différenciant ces jeunes : certains ne sont jamais allés à l’école, d’autres ont pu être scolarisés par le passé. Cette origine détermine également un certain niveau social : il existe, en effet, des disparités, même dans la précarité. Les activités qu’ils exercent s’en trouvent influencées (...)
Le travail de rue auprès des mineurs roumains
L’association Hors la rue intervient depuis près de 15 ans auprès des mineurs étrangers en danger [5]. Depuis sa création, l’association entretient des liens particuliers avec la Roumanie, renforçant ainsi sa connaissance du pays, des régions et des cultures d’origine des personnes qu’elle accompagne. L’association a développé ses activités tout en s’adaptant aux nombreuses évolutions du cadre institutionnel et des publics concernés. Aujourd’hui, Hors la rue accompagne des mineurs migrants originaires d’Europe de l’Est, mais aussi d’Afrique ou encore d’Asie.
L’équipe mobile de Hors la rue va à la rencontre de nombre d’entre eux sur leurs lieux d’activité parisiens comme la gare du Nord, le secteur Beaubourg–Châtelet, les environs d’Opéra ou encore la porte Dauphine et les boulevards des Maréchaux. Les éducateurs de Hors la rue, roumains ou roumanophones, sont en mesure de lever la barrière linguistique et de vaincre la méfiance des jeunes par leur présence régulière sur le terrain ; ils parviennent ainsi à tisser des liens de confiance, préalable essentiel à tout accompagnement. À l’occasion des échanges réguliers que les éducateurs entretiennent sur le terrain, peuvent émerger des demandes particulières (d’ordre juridique, médical, personnel…) auxquelles les équipes tentent d’apporter une réponse. Elles cherchent également à entrer en contact avec les familles de ces jeunes, en général en errance le jour à Paris, mais vivant avec leur famille dans des bidonvilles de la région parisienne.
Le fait qu’ils vivent en bidonville rend la situation de ces enfants spécifique du point de vue de la protection de l’enfance. Étrangers mais non isolés, ils ne peuvent prétendre à la prise en charge pour cause de minorité et d’isolement. Or l’accompagnement à la parentalité dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative à domicile, qui permet aux parents de bénéficier du soutien des services de l’aide sociale à l’enfance, est très rarement mis en œuvre pour ces familles. En effet, les travailleurs sociaux des départements sont souvent réticents à se rendre dans les bidonvilles, perçus comme dangereux. (...)
L’objectif de l’action de Hors la rue est donc d’aller vers les jeunes les plus éloignés des dispositifs de protection. (...)
Les mineurs migrants en situation de rue vivant en bidonville confrontent nos sociétés à leurs défaillances les plus criantes. On préfère souvent les ignorer ou les rejeter lorsque leurs activités troublent notre tranquillité. On en oublie rapidement que ces jeunes sont avant tout des enfants, peu conscients des risques et dangers auxquels ils sont confrontés. Aller vers eux, les écouter et leur permettre, même quelques heures, de vivre comme des enfants qu’ils sont constitue la première étape essentielle à la lutte contre ces phénomènes, qui sont le prolongement de la précarisation croissante des populations d’Europe de l’Est en France. (...)