Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Pourquoi les écoles maternelles privées seront les grandes gagnantes de la scolarisation obligatoire à 3 ans
Article mis en ligne le 25 avril 2019

L’une des mesures du projet de loi « Pour une école de la confiance », qui sera discuté au Sénat en mai, prévoit d’abaisser l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, contre 6 ans aujourd’hui. Cela peut sembler une bonne idée, même si la plupart des enfants sont, dans les faits, déjà scolarisés dès 3 ans. Problème : inscrire l’obligation dans la loi entraînera d’importantes dépenses supplémentaires pour les communes, qui devront alors financer les écoles maternelles privées... en piochant dans les budgets pour le moment réservés à l’école publique. Premier volet de notre série d’articles pour décrypter plusieurs aspects de cette réforme de l’école qui suscite nombre d’interrogations.

(...) Entre 150 et 450 millions de plus à la charge des communes

Les communes devront aussi désormais contribuer au financement des écoles maternelles privées, dont la majorité sont catholiques. La loi Debré de 1959 oblige en effet les municipalités à financer à égalité les écoles privées et publiques de leur territoire. Jusqu’ici, les communes n’étaient tenues de financer les écoles privées qu’à partir du CP (cours préparatoire).

Ces dépenses supplémentaires recouvrent essentiellement le financement des postes des agentes territoriales spécialisées des écoles maternelles (Atsem), qui secondent les enseignants dans les classes. Elles sont estimées à 100 millions d’euros par le ministère. Le Comité national d’action laïque (Cnal), qui regroupe plusieurs acteurs de l’école, estime que l’ardoise sera un peu plus élevée, à 150 millions d’euros. « Sur une ville comme Paris, ce surcoût est estimé à 10 millions d’euros », avance Eddy Khaldi, président de la Fédération nationale des délégués départementaux de l’Éducation nationale (DDEN) [1].

Les dépenses supplémentaires ne sont pas non plus anodines pour des villes moyennes. (...)

« Tout cela va aggraver la ségrégation sociale »

La décision d’abaisser l’âge de la scolarité obligatoire bénéficiera donc principalement aux actuelles et futures écoles maternelles privées. La plupart des enfants qui ne sont pas scolarisés à partir de 3 ans résident dans les territoires d’Outre-mer, où le taux de scolarisation des 3 à 6 ans avoisine les 75 %. Des dispositifs spécifiques à l’Outre-mer auraient donc pu être mis en place pour favoriser la scolarisation des plus jeunes. Le syndicat d’enseignants SNUipp-FSU estime que ce sont plutôt les conditions de scolarisation qui devraient être discutées, en prenant en compte « un meilleur taux d’encadrement », « une formation de qualité des enseignants comme des Atsem », et « une attention aux locaux ». En moyenne, en maternelle, la France compte 23 élèves par enseignant et encadrant, contre 10 en Allemagne, 10 en Italie, 15 en Espagne et en Belgique... Le projet de loi ne s’est pas attardé sur ces points, et, étrangement, la comparaison avec l’Allemagne n’est ici pas médiatiquement agitée.

Les privilèges accordés à l’enseignement privé semblent d’autant plus exorbitants qu’aucune contrepartie ne leur est demandée. (...)

partager les objectifs ambitieux de mixité sociale, d’inclusion des enfants porteurs de handicaps ou l’accueil des enfants allophones (qui ne parlent pas français, ndlr). Telle doit être la règle commune à toutes les écoles, publiques et privées », estime une vingtaine de maires qui font part de leur indignation dans une tribune.

Moins de postes de professeurs pour les écoles publiques

« Tout cela va aggraver la ségrégation sociale, craint Eddy Khaldi. On sait que le secteur privé accueille essentiellement les classes sociales favorisées. » « Cette mesure consolidera l’écosystème social, communautaire et scolaire que s’est construit la frange la plus favorisée de la population : aujourd’hui, 40 % des élèves du privé sont issus des catégories socio-professionnelles les plus favorisées (19 % en 1985) », renchérit le syndicat Unsa. Et les privilèges accordés au secteur privé ne s’arrêtent pas au projet de loi Blanquer.

Le Comité national d’action laïque s’alarme ainsi de la chute du nombre de postes au concours de professeur des écoles du secteur public, pour la deuxième année consécutive (...)