
(...) N’en déplaise aux réactionnaires et aux libéraux effrayés, la carte nationale des émeutiers renvoie à celle des territoires livrés au désordre social et économique. Les procès verbaux des tribunaux indiquent que les émeutiers sont dans leur grande majorité des hommes jeunes, dans une situation d’échec scolaire, sans emploi et issus de familles dysfonctionnelles.
Des études sociologiques ont démontré que les coupes budgétaires dans les services publics nourrissaient indirectement les comportements antisociaux, dont les émeutes.
Ken Clarke, le ministre de l’Intérieur, a beau insister sur le fait que la plupart des émeutiers ont un casier judiciaire, cela n’enlève rien au fait que ces individus sont avant tout le rebut du système éducatif, social et économique britannique.
(...) Il est une question à laquelle les partisans du « tout répressif » ne répondent jamais : comment expliquer que les pays scandinaves soient épargnés par les émeutes ? Pourquoi, inversement, surviennent-elles fréquemment en Angleterre et aux Etats-Unis ?
Chez les premiers règne une culture égalitaire, sont mises en œuvre des politiques de redistribution des richesses et on y trouve des services publics décents.
Les seconds sont des pays fondamentalement inégalitaires, qui ont fait le choix du capitalisme sauvage.
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Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont les deux pays occidentaux classés en bas de tableau en ce qui concerne le niveau de bien-être de leur population. (...)
Il existe à Glasgow ou à Cardiff des poches de misère qui n’ont d’égales que celles de Londres. Et pourtant dans ces villes, point de trace d’émeutes, ni aujourd’hui, ni hier. Il faut donc recourir à d’autres facteurs explicatifs pour tenter d’y voir clair.
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Grosso modo, les Ecossais et les Gallois estiment que le pillage et la destruction de biens publics sont des pratiques… anglaises ; cela n’appartient pas à leur culture, à leur manière de vivre leur citoyenneté. Il règne en Ecosse et au Pays de Galle, une atmosphère égalitaire, « sociale-démocrate », de respect des services publics, qui a largement disparu en Angleterre depuis les années 70.
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Les Ecossais sont gouvernés par le SNP, un parti indépendantiste qui a mis en œuvre des politiques sociales auxquelles le New Labour a tourné le dos
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Le thatchérisme et le blairisme sont des phénomènes anglais. L’Angleterre est le centre politique de l’Union ; le cœur historique de l’Empire. Mais il s’agit de nos jours d’un centre mou, vidé par les lois de la dévolution. (...)
C’est aussi à Londres que se trouvent les deux mamelles du pouvoir : la City et Westminster. Il y a peu, ces deux institutions ont été le lieu de scènes de pillage de deniers publics : des banquiers sauvages ont englouti des fortunes colossales au frais des contribuables sans subir la moindre sanction financière ou pénale, et des députés ont déclaré des notes de frais exorbitantes ou fantaisistes, également payées par les contribuables.
Dans une économie de pillage généralisé, il faudrait donc juger et condamner tous les pilleurs : les petits pilleurs des centres villes, mais aussi les pilleurs moyens du parlement, et les grands pilleurs de la City. Que la justice réprime tous les pilleurs, faute de quoi les villes anglaises connaitront de nouvelles nuits d’émeute.