
« Se promener dans la nature n’a pas d’incidence sur la circulation du coronavirus », rappellent les auteurs de cette tribune. « En revanche, de nombreuses études démontrent l’effet bénéfique du contact avec la nature et de l’activité physique sur la santé. »
Monsieur le président de la République,
Le confinement instauré par le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 limite l’exercice de l’activité physique et de la promenade à une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile (et cent mètres de dénivelé par arrêté préfectoral en Haute-Savoie). Certains préfets, comme celui de l’Isère, ont également pris des arrêtés interdisant la pratique des activités de plein air et de montagne – dont la randonnée – sur l’ensemble du territoire départemental. Alors que nous manquons de moyens, cette réglementation semble être appliquée avec sévérité en espace naturel et mobilise des moyens parfois très importants (hélicoptères, drones, quads, motocross, etc.), y compris à l’encontre de simples promeneurs, respectant les gestes barrières de mise à distance. La presse locale et nationale s’en fait d’ailleurs régulièrement l’écho. (...)
L’heure n’est pas à pratiquer des sports de nature ou de montagne à risque, au vu de la très forte tension, voire la saturation, dans certains établissements hospitaliers. Mais comment comprendre que l’on verbalise de simples promeneurs respectant les règles ?
Il serait pourtant logique de pouvoir se disperser dans les espaces de nature
En cette période de confinement, il serait pourtant logique de pouvoir se disperser dans les espaces de nature plutôt que de se concentrer dans les lieux à forte densité, dès lors que les activités pratiquées ne sont pas plus risquées que le jardinage ou autres pratiques domestiques, et de manière qu’elles n’induisent pas de surfréquentations dommageables pour la faune, la flore et les milieux. En effet, pratiquées de façon responsable et en respectant une distance minimale qui pourrait être portée à deux mètres, ces activités (promenade, randonnée, trail, photographie, yoga, etc.) n’ont pas d’incidence sur la circulation du virus, ni sur l’accidentologie.
Il est en outre scientifiquement établi que ces activités contribuent à maintenir les individus en bonne santé, sur le plan psychologique mais aussi immunitaire. (...)
C’est également un outil de justice sociale : l’accès à la nature est d’autant plus important quand on est confiné dans un environnement de béton, dans un logement exigu, sans jardin, et parfois toxique.
En l’absence de vaccin et de traitement, notre système immunitaire apparaît, outre les gestes barrières et de distanciation sociale, comme la meilleure arme pour lutter contre le virus. Il convient donc de le protéger. (...)
Du reste, en Allemagne, où l’épidémie de Covid-19 est moins sévère qu’en France, la pratique des sports et activités de plein air a été encouragée, dès sa première allocution, par la chancelière Angela Merkel, suivie depuis par les dirigeants des Länder. Les autorités appellent la population à être raisonnable et à privilégier les balades ou sorties en vélo de proximité, sans limitation kilométrique, ni attestation de déplacement. Il est ainsi autorisé d’aller à la plage lorsqu’on habite un Land côtier. Même la pratique générale des sports de montagne n’est pas interdite, seulement déconseillée. Des approches similaires existent en Suisse et en Belgique, notamment. (...)
Le confinement risquant de durer encore de longues semaines, il ne faudrait pas que s’y ajoutent d’autres sources de mortalité parmi celles évoquées plus haut, qui tuent déjà en temps normal des milliers de personnes chaque année (...)
Ainsi, nous vous demandons, Monsieur le président de la République, dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 et contre les autres causes de mortalité et morbidité associées au confinement, de modifier le décret et d’autoriser l’accès aux espaces naturels, à condition de respecter strictement des règles de distanciation sociale éventuellement renforcées, et exclusivement pour les activités qui ne présentent objectivement pas plus de risque que des activités domestiques ou de jardinage. Nous laissons le soin aux autorités de définir ce cadre.