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Pour l’abolition du titre de séjour - Par Leoluca Orlando (maire de Palerme)
Publié en partenariat avec l’Ambassade de France en Italie et l’Institut français d’Italie, dans le cadre du cycle de débat d’idées « Dialoghi del Farnese ».
Article mis en ligne le 30 mai 2018

Leoluca Orlando, élu à cinq reprises maire de Palerme, ancien député européen, est l’une des rares personnalités politiques à tenir une parole claire et nette concernant la situation migratoire : la mobilité internationale des hommes est un droit inaliénable. La « Charte de Palerme » l’affirmait déjà en 2015. Il a fallu du temps pour abolir l’esclavage, il a fallu du temps pour abolir la peine de mort : il en faudra pour abolir la nécessité de détenir un titre de séjour, écrit ici dans une lettre ouverte le maire de la ville européenne la plus tournée vers l’Afrique.

(...) Palerme est devenue, à travers ce genre d’expériences, une référence dans le monde entier en matière de culture de l’accueil. Je suis fier d’être maire d’une ville qui adresse un message au monde et le met en demeure face aux égoïsmes européens, et pas seulement européens. Je crois qu’au nombre des droits inviolables de l’homme, il y a le droit de choisir où vivre et où mourir. Personne ne peut être contraint à vivre et à mourir, et souvent à se faire tuer, là où l’ont choisi ses parents, sans avoir été consulté sur l’endroit où il allait naître.

Telles sont les raisons pour lesquelles, à Palerme, a vu le jour la « Charte de Palerme », présentée en 2015 lors du congrès « Io sono persona » (Je suis personne), qui propose et soutient l’abolition du titre de séjour, et promeut la mobilité internationale comme un droit inaliénable de l’homme. Nous ne pouvons pas permettre que des êtres humains soient torturés au nom d’un permis de séjour qui constitue, j’en suis convaincu, une nouvelle peine de mort et un nouvel esclavage. Le système de lois et d’accords internationaux au niveau européen est aujourd’hui un système qui engendre le crime, un système criminogène qui remplit les poches d’organisations criminelles et de trafiquants d’êtres humains. Il ne sera pas facile de se libérer du permis de séjour, comme il n’a pas été facile de se libérer de la peine de mort et de l’esclavage.

La mondialisation, code culturel et économique de notre époque, a consacré le principe de liberté de circulation pour les informations, la communication, l’économie, l’argent, les moyens de transports. Mais pas pour les personnes. À l’âge de la mondialisation, un grand nombre de mots voient leur sens changer et certains le perdent tout à fait. Pensons aux mots État, patrie, identité. (...)

Qu’est-ce que la patrie ? La condamnation par l’état civil à vivre là où mes parents ont décidé que j’allais naître ? Non, la patrie c’est moi qui la choisis. Ma patrie est l’Italie parce que j’ai choisi de rester et de vivre ma vie à Palerme, pas parce que ma mère et mon père m’ont fait naître en Sicile.

Qu’est-ce que l’identité ? Est-ce une condamnation décidée par le sang de nos parents ? L’identité est tout au contraire un acte suprême de liberté. (...)

Lire aussi :

Palerme, oasis européenne des migrants (...) face à la mafia sicilienne qui gouvernait et refusait la diversité depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, la ville est restée longtemps sans migrants. A Palerme, le phénomène date de ces vingt dernières années, ce qui est plutôt récent à l’échelle du monde. Mais aujourd’hui, face à l’afflux de migrants et pour garantir ce « droit à la mobilité » , le maire a mis en place une approche de l’accueil à la fois humanitaire et sécuritaire, mais aussi juridique et économique. (...)

Fait unique au monde : les migrants sont représentés politiquement dans la ville à travers le Conseil de la culture dont les membres sont démocratiquement élus par les migrants (et sur les 21 membres, on trouve 9 femmes !). (...)

Leoluca Orlando : « Abolir le titre de séjour pour les migrants » (...) , les mineurs migrants ont droit à un titre de séjour, mais parfois ils ne l’obtiennent pas ou les procédures sont très longues, selon vous, pourquoi ?

Leoluca Orlando : Ca vient d’une certaine philosophie qui veut que comme migrant tu sois mon ennemi, que j’aie à me défendre de toi, que tu représentes un danger. Tu vois bien que tout phénomène provient d’un système culturel donné. Personnellement, je serais le plus heureux du monde si je devais aller en prison parce que j’héberge des sans papiers Aucun être humain ne peut être considéré comme illégal. Comme mineur, vous êtes en quelque sorte protégés. Tu sais que comme maire de Palerme, avec Agnese Ciulla, l’assesseur (conseiller municipal, ndlr) aux activités sociales, nous sommes les tuteurs légaux de centaines de migrants mineurs ? Nous en avons ici 200 qui sont palermitains et 1200 qui ne le sont pas, donc nous sommes tes parents ! Bien sûr il y a certains problèmes, mais après votre majorité vous devenez illégaux. A dix-huit ans ça devient vraiment une tragédie. (...)

Ma dernière question concerne le Hotspot (camp d’urgence) qui va se créer à Palerme, comment peut-on se dire contre les frontières et valider ce projet ?

Leoluca Orlando : Je suis contre les Hotspot. Nous allons juste créer un endroit pour les identifications, dans lequel on ne restera pas plus de 24 heures. Ca évitera aux personnes de dormir par terre au port, ou d’attendre sous le soleil ou la pluie. Ce ne sera pas un Hotspot. Si tu entends quelqu’un parler de ça, s’il te plait, dis lui qu’il est un menteur. J’en ai fait part au gouvernement national « Si le projet est de créer un Hotspot à Palerme, je manifesterai avec les migrants. » Ils ont compris.