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Police : « Des enfants chassés comme des animaux »
Article mis en ligne le 31 mars 2016

Très médiatisé, le cas du jeune Danon, tabassé par trois policiers lors de la manif du 24 mars, n’est pas isolé. Ados dispersés à coups de matraque, action d’hommes masqués et sans brassard… des témoins racontent les violences contre les élèves du lycée Bergson à Paris où des plaintes devraient être déposées.

Le lycée Henri-Bergson, synonyme de violences policières ? Après la diffusion d’une vidéo montrant un jeune de 15 ans violemment frappé par un policier, des témoignages de lycéens, recueillis par Libération, rapportent que des violences généralisées ont visé plusieurs adolescents toute la matinée du jeudi 24 mars aux abords de ce lycée du XIXe arrondissement de Paris.

La vidéo de la scène a été vue près de 2 millions de fois. « Danon », scolarisé au lycée Henri-Bergson, est à terre entouré de trois policiers. Ceux-ci lui intiment de se relever et l’aident à se mettre debout avant que l’un d’entre eux lui décoche un violent coup de poing au visage alors qu’il est retenu par un second homme. Le garçon s’écroule en arrière, le choc amorti par son sac à dos. Résultat, un nez cassé et six jours d’ITT selon son avocat Me Gilles Bérès, et une enquête ouverte par l’IGPN, l’inspection générale de la police nationale. Un cas édifiant, mais loin d’être isolé. Car pour la même journée, plusieurs témoignages font état de scènes d’intimidations et de coups de la part des forces de l’ordre. (...)

Depuis deux semaines, chaque jeudi, les élèves ont pris l’habitude d’arriver tôt devant le lycée. Ils bloquent l’accès avec des poubelles tout en laissant ouverte l’entrée réservée aux collégiens. « Les rassemblements ces dernières semaines ont été assez violents, à chaque fois ça a dégénéré », confirme-t-on au lycée. Une deuxième vidéo, vue plus de 600 000 fois sur Facebook, montre des policiers en uniformes et en civil (l’un avec un brassard orange de la BAC, l’autre totalement masqué) disperser un groupe de lycéens à coups de matraques, dans la rue de l’établissement. La légende de ce snap (vidéo temporaire sur Internet) est éloquente : « La police d’aujourd’hui ». (...)

Jeudi dernier, la réponse a été disproportionnée. « Les policiers étaient vachement insultés, mais ce n’est pas une raison », raconte Anne-Sophie, une riveraine qui a assisté à plusieurs scènes. Zied (1) participait au blocus et filmait les policiers immobiles stationnés devant le lycée. « J’ai senti qu’ils voulaient que j’arrête », raconte-t-il à Libération. Un policier en civil, que l’on reconnaît sur plusieurs vidéos et qui est désigné par plusieurs témoins comme particulièrement violent, ne quitte pas des yeux le jeune de 17 ans, qui continue de son côté à diffuser la scène sur Periscope et Snapchat, deux applications de vidéos en ligne. « J’arrête de tourner un moment et, là, le civil m’attrape, me traîne sur 20 mètres et me met des coups de matraque. » Filmée par un témoin, la scène a été visionnée par Libération. Le garçon est emmené derrière le fourgon de police, à l’abri des regards. Selon le lycéen, les insultes pleuvent, les menaces de viols et de mort aussi. Il affirme même s’être fait mordre à l’oreille. Tout ça afin que le policier en civil récupère son téléphone et efface les images de l’appareil. (...)

Intimidés, beaucoup d’élèves hésitent à porter plainte pour violences policières. Mercredi soir, l’avocat des victimes, Me Gilles Bérès, s’attendait à ce qu’entre deux et cinq plaintes pour violences policières soient déposées par les élèves et leurs parents. « A la suite de l’annonce d’un mouvement de grève et compte tenu des événements récents, survenus au lycée et à ses abords, les cours ne seront pas assurés ce jeudi 31 mars », a annoncé le lycée. Vendredi dernier, malgré l’ouverture d’une enquête sur les violences infligées à Danon et la venue du préfet de police de Paris au lycée Bergson, les lycéens étaient allés manifester devant des commissariats des Xe et XIXe arrondissements. Quelques-uns ont laissé éclater leur colère en s’attaquant aux bâtiments par des jets de projectiles.