
(...) Jago, un professeur de langues de 48 ans, est en train de monter dans le village un “cercle”, une sorte d’assemblée de base informelle, démocratique et pluraliste, qui fonctionnera comme l’incarnation locale du nouveau parti politique Podemos. “Nous pouvons” en espagnol, Podemos espère attirer ceux qui désespèrent des approches politiques conventionnelles et contrer le ras-le-bol des mesures d’austérité en impliquant les citoyens pour modeler les réformes à partir de la base.
Nombreux sont les partis à travers l’Europe qui, voyant fondre les effectifs de leurs militants, partagent les mêmes ambitions. Podemos, lui, a des résultats à afficher sur l’intention de mettre la politique plus en phase avec le public”. Depuis ses débuts en mars avec une campagne entièrement financée par crowdfunding et un manifeste créé à partir des propositions du public, le parti s’est adjugé 8 % du vote espagnol aux élections pour le Parlement Européen. Beaucoup de ses sympathisants n’avaient probablement pas voté depuis des années. Un récent sondage a laissé entendre que Podemos serait en troisième place si des élections générales avaient lieu demain, et pourrait même se placer deuxième.
Les Cercles : des espaces politiques inclusifs
Un des facteurs des débuts prometteurs de Podemos est le système d’organisation communautaire en “cercles.” Tel est l’objectif de Jago. Les cercles sont des groupes sans dirigeants ni cotisations, qui fonctionnent en assemblées publiques ouvertes où les présents débattent de tout ce qui leur paraît s’appliquer à leur situation. “Les assemblées permettent aux personnes qui ne participent pas au mouvement de s’exprimer et de voir qu’il y en a d’autres qui pensent comme eux,” explique Oscar Gonzalez, un porte-parole du cercle de Podemos dans la cité portuaire galicienne de Vigo. Les cercles ont une focale locale marquée, à l’échelle d’une ville entière ou d’un arrondissement, ou se constituent autour d’un domaine particulier (par exemple, il existe actuellement des cercles sur la psychanalyse, la musique et le métier d’infirmier).
Les cercles se multiplient rapidement. Au moment d’écrire cet article, ils étaient plus de 700 dans toute l’Espagne, un accroissement de presque 80 % par rapport à leur nombre deux mois avant. L’assistance aux assemblées monte en flèche : de 20 à 30 personnes en moyenne avant les élections, Podemos Vigo en revendique désormais au moins 300 à chaque fois. (...)
Navia est aussi l’un des secteurs où Podemos Vigo a mené une campagne de mailing d’un nouveau genre, en distribuant à la main un message d’une page : “Cette lettre ne vous a pas atteint par la poste, parce qu’expédier une lettre comme celle-ci dans tout le pays coûte plus de 2 millions d’euros. Demandez aux partis qui vous ont envoyé un courrier électoral par la poste où ils ont trouvé l’argent pour le faire et en échange de quoi.” A Navia, où plusieurs projets publics de premier plan restent inachevés et d’autres sont parés de soupçons de corruption [espagnol], ce genre d’argument peut faire mouche.
Un travail à parfaire
Ces succès ne peuvent dissimuler le fait que Podemos est un travail toujours en cours, qui doit s’ajuster à la montée d’attention reçue depuis quelques mois. Les sympathisants locaux le reconnaissent ouvertement. “C’était bien plus facile de tenir des assemblées avant les élections, quand les groupes étaient plus petits et qu’on pouvait voter à main levée. Maintenant c’est devenu impossible. Tout le temps passe à compter et à vérifier que personne ne vote deux fois,” souligne Manuel Villot, un membre du cercle de Vigo.
Le cercle a aussi dû récemment instaurer un modérateur pour éviter que les discussions ne se dispersent dans les assemblées, restées jusque là assez peu structurées. Podemos mise sur la technologie pour conserver son éthique collaborative tout en absorbant des nombres croissants, et tente en ce moment d’introduire et génraliser Appgree et Loomio, des outils en ligne permettant de proposer des idées et de voter dessus. (...)
Le parti a édifié une bonne partie de son profil par la télévision, avec notamment les apparitions dans les émissions-débats de l’universitaire et tête de proue du parti Pablo Iglesias, mais c’est l’Internet qui semble maintenant en première ligne au niveau local. Beaucoup de cercles n’ont pas de site web et se reposent sur la page Facebook dePodemos Vigo pour communiquer avec les partisans actuels et en attirer de nouveaux. “Podemos serait impensable sans Facebook et Twitter,” explique Mayka Arias, la coordinatrice de la page Podemos Vigo. Conscient que cette orientation technique pourrait en laisser certains hors du parti, Podemos Vigo organise des cours gratuits d’informatique pour expliquer les nouveaux outils et recrute des cybercafés fournissant un accès gratuit à ceux qui en sont dépourvus. (...)