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Article 11
Périphérique : le peuple des confins
Article mis en ligne le 11 février 2013
dernière modification le 8 février 2013

Ils vivent en bordure de l’axe routier le plus fréquenté de France, tentes dressées ou cabanes construites à quelques mètres de la chaussée. Adroitement dissimulés dans la végétation, leurs abris restent pratiquement invisibles aux yeux de ceux qui empruntent le boulevard périphérique parisien. Un monde à part, entre misère et débrouille.

(...) De ces talus larges d’une quinzaine de mètres au maximum, certains ont fait leur (maigre) miel. Sans jamais trop s’éloigner des bretelles, seul lien avec le monde extérieur, ces sans-toits ont planté leur tente à l’abri de quelques fourrés, ont tendu une large bâche pour s’abriter ou ont patiemment construit de précaires cabanes derrière une rangée d’arbres. Les plus démunis se contentent de poser quelques couvertures ou un sac de couchage contre une pile de pont, dormant dans la poussière et avec les rats. Tous vivent à quelques mètres des voitures, mais loin des regards.

Les automobilistes ne les voient pas, ou peu, mais la mairie de Paris – à qui incombe l’entretien du périphérique – n’ignore rien de leur présence. À en croire ceux qui dorment en bordure de chaussée, des agents de la municipalité passent régulièrement, surtout soucieux de s’assurer que les petits campements de bric et de broc demeurent (quasi) invisibles, qu’ils n’hébergent pas d’enfant2, qu’ils ne s’étendent pas et qu’aucun semblant de communauté ne voit le jour. Refrain classique : pour être tolérée, la misère doit se faire discrète. Les hommes – il y a très peu de femmes – sont seuls, ou par groupes de trois ou quatre. Ils constituent le (petit) peuple des confins, uniques habitants du périphérique. Gens qui n’ont pour semblant d’adresse qu’un point kilométrique, celui du bornage de la chaussée. (...)

En bord de route, comme des indices discrets. Ici, un bout de bâche, dépassant d’un fourré. Là, un pantalon et deux chemises, sur un fil tendu entre deux arbres. Plus loin, un coin de tente émergeant d’un taillis, deux bidons d’eau posés au pied d’un talus, ou le reflet d’un miroir accroché à un grillage. Visions fugaces, rapides – le regard s’échappe par la vitre ou dans le rétroviseur, avant de revenir se poser sur le bitume, droit devant : la circulation n’attend pas.

Parfois, les hommes aussi se donnent à voir. Comme ce petit gros barbu, aux frusques fatiguées, qui traîne deux cabas sur le talus, marchant en sens inverse des automobiles. Ou ces deux personnes installées en bordure de chaussée, derrière la rambarde de sécurité, regardant passer le flot sans fin des voitures. Ou encore ce couple qui chemine sur un talus fraichement tondu, la femme portant un sac poubelle, l’homme bras ballant. Eux aussi s’effacent illico du rétroviseur. Les voitures vont vite, ils marchent lentement. (...)