
Face aux pénuries de main-d’œuvre qui exaspèrent patrons et gouvernement, Pôle emploi prépare un plan de rentrée baptisé « Tensions 2022 ». L’objectif est de repérer tous les profils « employables » pour satisfaire, au plus vite, les besoins en recrutement.
Un« Un vivier de demandeurs d’emploi immédiatement employables. » Voici ce que Pôle emploi entend constituer, agence par agence, dès les prochaines semaines. Dans deux notes internes que Mediapart a pu consulter, la direction expose son plan de rentrée, dont l’objectif est de « renforcer la satisfaction des besoins en recrutement sur les secteurs les plus touchés » par la pénurie de main-d’œuvre.
Et cela va aller très vite.
Dès le 9 septembre, chaque agence Pôle emploi devra avoir bouclé la liste des métiers les plus en tension sur son territoire. À la fin du mois, les demandeuses et demandeurs d’emploi « en capacité d’exercer ces métiers » seront identifié·es et placé·es dans « un vivier » dédié.
À la fin de l’année, toutes ces personnes auront été reçues et, si possible, « sorties » du vivier. En d’autres termes, recrutées sur les métiers en manque de main-d’œuvre. Car la direction de Pôle emploi est très claire : il ne s’agit pas d’accompagner mais bien de « proposer concrètement des emplois ».
En échange de cet « engagement en termes de propositions régulières d’offres d’emploi », les chômeuses et chômeurs seront tenu·es d’être disponibles. En cas d’absence à un rendez-vous avec un employeur potentiel, la sanction sera immédiate : une radiation de la liste des demandeurs d’emploi. (...)
Trois grands secteurs ont été repérés comme étant « particulièrement en tension ». Sans surprise, il s’agit de l’hébergement-restauration, du sanitaire et du social et des transports. Vingt-trois métiers sont recensés dans la note interne. (...)
Chaque agence Pôle emploi est invitée à amender cet inventaire, selon les besoins du marché du travail local. Ce sera le premier gros devoir de rentrée : tout doit être compilé dans une semaine, le 9 septembre. À l’heure où sont rédigées ces lignes, très peu de conseillers et conseillères à l’emploi, contacté·es par Mediapart, étaient informé·es de l’existence de ce plan.
Côté « opérationnel », la rapidité est, là encore, le maître mot. (...)
Des contrôles à la clé
Enfin, il s’agira d’identifier des personnes « dont le dossier ne laisse pas toujours apparaître d’intérêt pour l’un de ces métiers en tension mais qui peuvent y voir une solution d’insertion rapide pertinente ». L’une des notes internes cite le cas de « demandeurs d’emploi se déclarant prêts à prendre n’importe quel poste, car souhaitant travailler très vite ».
Seront contacté·es en priorité les demandeuses et demandeurs d’emploi fraîchement inscrits, depuis moins de trois mois, « pour une plus grande qualité du groupe de départ », souligne la note, soucieuse de « renforcer la satisfaction des besoins en recrutement ». (...)
Le « vivier » pourra ensuite être élargi aux personnes inscrites depuis plus longtemps. Les sortant·es de formation à ces métiers devront également être identifié·es. Au total, chaque « portefeuille vivier » devra contenir « entre 150 et 200 demandeurs d’emploi ».
Toutes et tous seront convoqué·es pour faire le point sur leur situation en matière de disponibilité, de compétences et de motivation. « Si l’entretien fait apparaître des doutes sur l’effectivité de [la] recherche [d’emploi] », précise la note, ces personnes seront dirigées « vers l’équipe contrôle de la recherche d’emploi ».
Comme déjà écrit par Mediapart, Pôle emploi doit, cette année, mener davantage de contrôles de la recherche d’emploi. Objectif : 500 000 contrôles en 2022, selon la volonté d’Emmanuel Macron, contre 345 000 l’année précédente (données à fin octobre 2021) et 420 000 en 2019.
Objectif plein emploi
Ce plan « Tensions 2022 » vise à répondre à une autre demande du gouvernement : parvenir au plein emploi, évalué à 5 % de taux de chômage, avant la fin du quinquennat. Et, comme souvent, le chômage et les pénuries de main-d’œuvre sont d’abord imputés... aux chômeuses et aux chômeurs, accusé·es de ne pas vouloir travailler. (...)
L’exposé des motifs du projet de loi « visant à améliorer le fonctionnement du marché du travail » ne cesse de le répéter : il y a « urgence » à agir pour faire baisser le chômage. L’urgence est de satisfaire les besoins en recrutement, d’enclencher la nouvelle réforme de l’assurance-chômage, en rabotant toujours plus les allocations des chômeuses et des chômeurs. De combler les postes vacants et d’assécher leurs droits, pour parvenir au plein emploi.
Des "portefeuilles viviers" seront spécialement créés dans chaque agence. Le but est très clair : il ne s'agit pas d'accompagner mais de proposer concrètement des emplois. Contrôles et radiation en embuscade pour les rétifs.
— Cécile Hautefeuille (@CecHautefeuille) September 3, 2022
Des "portefeuilles viviers" seront spécialement créés dans chaque agence. Le but est très clair : il ne s'agit pas d'accompagner mais de proposer concrètement des emplois. Contrôles et radiation en embuscade pour les rétifs.
— Cécile Hautefeuille (@CecHautefeuille) September 3, 2022