
Dissipons un malentendu. Ni tout à fait imbéciles ni tout à fait naïfs, nous n’avions pourtant pas compris ce « Mon ennemi c’est la finance » adressé peu avant la dernière alternance politique à un électorat populaire alors instamment sollicité. Ce n’est qu’avec les actes qui ont suivi ces paroles que l’énoncé a pris sens. Il fallait simplement prolonger la phrase : l’ennemi dont il était question, c’était « la finance »… des pauvres, des précaires et des salariés.
Eh oui, le « changement » c’était ça, et pas autre chose : alors que plus de 40 milliards de crédit d’impôts ont été offerts aux entreprises au nom de la compétitivité, les intérimaires ont vu leurs droits sociaux rabotés, d’innombrables « chômeurs en activité à temps réduit » ont subi les dommages de « droits rechargeables » qui réduisent leurs allocations ; le SMIC horaire est toujours aussi faible pour des emplois toujours plus sous pression tandis que les salaires stagnent ; un RSA en baisse est assorti de davantage de stigmatisation et de contrôle de ceux qui en dépendent…
L’austérité, c’est faire travailler plus, faire plus de profit, contrôler davantage le temps des vivants pour une économie qui n’est rien d’autre que la politique du capital. Après quarante ans de précarisation et de chômage de masse, le mythe du plein emploi, et sa version édulcorée « la création d’emploi », sont encore et toujours invoqués pour mettre en concurrence des pans de plus en plus larges de la population, au nom de la raison économique.
C’est encore au nom de l’emploi - et par là même, implicitement, au nom du droit au travail - que le gouvernement entend renverser le droit du travail avec sa Loi travail. Une fois de plus, il faudrait accepter davantage de flexibilité et moins de droits. On cherche par tous les moyens à nous acculer à un chacun pour soi suicidaire. (...)
Précariser les chômeurs pour précariser tout le monde
Ce détour-là est en réalité indispensable car, comme souvent, c’est à la périphérie du prétendu « contrat social », parmi les « étrangers » et les « chômeurs », que sont initiées des manœuvres décisives pour l’ensemble de la population. En janvier dernier, devançant les négociations des partenaires « sociaux » sur l’assurance chômage, le premier président de la République à avoir été formé à HEC a lancé les hostilités. Hollande a décrit l’indemnisation du chômage comme étant des plus « généreuses » et appelé à de « raisonnables efforts » pour résorber un « déficit » à l’existence contestable, les cotisations étant toujours largement supérieures aux indemnités versées.
Une fois l’offensive lancée, les experts de la Cour des comptes ont rempli leur rôle en maquillant les mécanismes d’un déficit de l’Unedic dont il s’agissait avant tout de dramatiser l’ampleur. Divers hiérarques socialistes ont fait chorus, puis la ministre du Travail, suggérant d’instaurer la dégressivité des allocations chômage, a brandi la menace : une réduction insuffisante du « déficit » par les partenaires « sociaux » conduirait l’État à refuser d’agréer le protocole Unedic et à « reprendre la main » pour imposer sa convention chômage, son plan d’économie contre les chômeurs.
Pour nos écono-maîtres, que 57% des chômeurs soient actuellement dépourvus d’allocations chômage ne suffit pas ! Le plan d’austérité annoncé implique de diminuer de 800 millions d’euros le montant des allocations. (...)
Aucun scrupule n’arrêtera nos dirigeants …
Sans droit au chômage, sans droits des chômeurs, le droit du travail continuera d’être battu en brèche. De fait, la contre-réforme est permanente et elle se déploie sur de multiples plans.
Ainsi, bien que les syndicats n’en disent mot, l’instauration d’une prime d’activité, qui vient remplacer des compléments RSA chichement alloués à des salariés précaires et la « prime pour l’emploi », est une énième disposition destinée à fabriquer en quantité de nouveaux travailleurs pauvres. (...)
Tous ceux qui sont ici aujourd’hui savent bien que s’exprimer sur les réseaux sociaux et pétitionner ne suffira pas. À nous tous de le faire savoir, à chacun de nous d’inviter à une mobilisation « dans la vraie vie ». Seule une telle mobilisation, massive, déterminée, pourra obtenir le retrait de la Loi travail et donner un coup d’arrêt à une politique de précarisation qui s’applique partout, par-delà les divers statuts juridiques sous lesquels nous sommes enrôlés dans la production (CDI, CDD, auto-entrepreneur, CDDU, stagiaires, intérim, …).
Si la rue ne fait pas la loi, force restera aux lois de l’économie (...)