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Panique décoloniale chez les psychanalystes !
Article mis en ligne le 5 octobre 2019

Tribune
Plus de 150 psys et intellectuels répondent aux 80 psychanalystes qui, la semaine passée dans une tribune, s’inquiétaient de l’emprise croissante des revendications identitaires et communautaristes. (...)

On a pu lire dans les pages du journal le Monde le jeudi 26 septembre une curieuse tribune, signée par 80 psychanalystes, suivant ainsi à la lettre « l’exemple » des 80 intellectuels qui s’étaient insurgés contre une hégémonie supposée de la pensée décoloniale (le Point, 28 novembre 2018).

Moins d’un an plus tard, la critique s’est transformée, avec l’aide de ces nouveaux signataires, en une mise en garde générale à l’intention des sciences humaines et sociales, des universités et de tou·te·s les citoyen·ne·s, visant rien moins qu’à préserver les esprits d’une « emprise » qui les mettrait à la merci de « revendications totalitaires » niant « la spécificité de l’humain » en imposant l’« identitarisme », le « particularisme » et le « communautarisme ».

A l’heure où les pensées racistes circulent massivement et sans complexe dans l’espace public, où les discours d’extrême droite et de celles et ceux qui les accompagnent ou les reprennent, ne cessent de promouvoir la lutte des races et les affirmations identitaires, où les « dérives sectaires » qui menaceraient « nos valeurs démocratiques et républicaines » en rattachant « des individus à des catégories ethnoraciales ou de religion » sont évoquées presque quotidiennement dans les médias et les partis, on pourrait presque ironiser que des psychanalystes aient voulu voir la bête immonde et le mal qui vient chez les représentants de la pensée « décoloniale ».

Passons aussi sur l’ignorance des rédacteurs de la tribune qui interprètent un questionnement scientifique d’abord sud-américain comme une idéologie politique et confondent études décoloniales, approches postcoloniales, intersectionnalité, multiculturalisme, « racialisme », autant de noms repoussoirs, diaboliques, identifiables au risque de « totalitarisme » qu’ils promettent. Pourquoi enrôler la psychanalyse dans une croisade idéologique qui lui est étrangère ? A quoi aura servi plus d’un siècle de réflexion sur le transfert, le désir, les ruses de la raison et de la déraison, et la prise en compte de la singularité des sujets, si c’est pour en faire les victimes programmées d’une « emprise » maléfique et d’une manipulation mentale ? La psychanalyse ne se réduit pas à ce discours outragé et outrancier qui donne le sentiment d’un rejet pur et simple du débat avec les courants critiques contemporains.

Ecoutons plutôt ce qui se dit là où elle s’exerce au lieu de céder à la panique morale antidécoloniale. (..)