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Pandémicide
Article mis en ligne le 3 mai 2021

C’est comme une énorme fête par anticipation, la perspective du retour à la normale. C’est marrant comme cette évocation reste puissante quand bien même l’expérience et le sage prouvent que l’on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière. Mais le mythe persiste, celui de retrouver sa vie d’avant, parée de toutes les vertus et surtout nimbée d’un bon gros brouillard nostalgique.

C’est réglé comme du papier à musique et on entend presque la fanfare qui accompagne la foule en liesse.

Et on ne voit vraiment pas ce qui pourrait mal se passer. (...)

Les grandes espérances

Je vous demande d’être responsables tous ensemble et de ne céder à aucune panique, d’accepter ces contraintes, de les porter, de les expliquer, de vous les appliquer à vous-mêmes, nous nous les appliquerons tous, il n’y aura pas de passe-droit, mais, là aussi, de ne céder ni à la panique, ni au désordre. Nous gagnerons, mais cette période nous aura beaucoup appris. Beaucoup de certitudes, de convictions sont balayées, seront remises en cause. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent. Ne nous laissons pas impressionner. Agissons avec force mais retenons cela : le jour d’après1, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant2. Nous serons plus forts moralement, nous aurons appris et je saurai aussi avec vous en tirer toutes les conséquences, toutes les conséquences.
Adresse aux Français du Président de la République Emmanuel Macron, 16 mars 2020

Rétrospectivement, le discours de confinement de Macron sonne plus comme un amoncèlement de menaces que comme un inventaire de promesses et de sortie par le haut. Et nous sommes encore loin d’en avoir réellement tiré toutes les conséquences.

Nous traversons la pandémie les yeux rivés sur l’espérance d’un monde d’après, un monde qui aura pris la mesure de la crise surmontée et surtout de toutes celles à venir, un monde qui aura appris de ces erreurs, mais surtout de ses réussites communes. À l’échelle mondiale, tous les pays ont tiré les conséquences de la pandémie et ont fait leurs choix  : certains pour leur population et d’autres contre. Ces choix sont essentiellement politiques. (...)

Le sentiment d’irréalité est total. Total parce que partout et de tous les instants. Nous étions dans une guerre contre un ennemi qui ne ne voit pas, qui avance furtivement jusque dans nos maisons, qui peut s’installer des semaines sans que rien ni personne ne le détecte, puis qui se met à moissonner massivement, faisant cette fois disparaitre les gens dans les hôpitaux, dans les maisons de retraites, voire à domicile, dans la plus grande des discrétions, avant de se replier un peu plus loin, pour revenir plus fort, plus malin, laissant derrière lui des hordes de blessés graves que l’on fait mine de ne pas voir.

C’est toujours difficile de prendre la mesure d’un évènement alors que nous sommes encore en train de le vivre. C’est encore plus ardu quand — alors que le tocsin sonne encore dans toutes les campagnes —, nous faisons mine d’avoir laissé le problème derrière nous et tordons le bras à la réalité pour lui faire dire que c’est bon, c’est derrière nous et que nous devons nous empresser de nous vautrer dans une vie d’avant qu’en réalité nous n’avons jamais fait que fantasmer.

Qu’il est difficile de croire ce que l’on ne voit pas, que l’on ne comprend pas. C’est d’autant plus difficile quand le déni est, lui aussi, global, total et alimenté quotidiennement par des intérêts bien particuliers qui ont la main mise sur le gros des médias et l’oreille complaisante des puissants. (...)

Qu’elle est forte la tentation d’adhérer à la rengaine lancinante des rassuristes qui promettent d’oublier toute cette merde, toute cette angoisse, là, tout de suite, ici et maintenant, pourvu que l’on produise, que l’on consomme et que l’on ferme bien fort notre gueule et les yeux sur l’autre guerre, toujours en cours, de moins en moins discrète et de plus en plus âpre, celle juste contre nous, les gueux, les riens, et nos petits magots socialisés.
Le monde d’après

Il n’y aura pas de monde d’après, parce que nous y sommes déjà. Un monde fondé sur le déni des preuves scientifiques, des inégalités sociales et des politiques mortifères, un monde où l’on va vivre avec les calamités, c’est-à-dire que nous allons en subir les conséquences pendant qu’ils en tireront les bénéfices. Un monde pas très différent de celui d’avant, en fait. Surtout nettement moins faux-cul. (...)

Nous vivons déjà dans un monde où il y a des gens qui ne sont rien, qui ne comptent pas vraiment, des quantités négligeables de gens négligés, des surnuméraires que l’on peut sacrifier sur l’autel du confort, des loisirs et de la croissance infinie par pack de 300… par jour. Un monde où l’on s’habitue à des taux de perte conséquents. Pourvu que l’on puisse retourner s’amuser, profiter de la vie, celle des méritants et surtout des bien-nés. Un monde où le pandémicide est devenu un mode de gestion tout à fait acceptable et assumé.