
Julie était l’enfant que chacun rêverait d’avoir : belle, intelligente, sensible, douée, bonne élève. Julie était une collégienne comme beaucoup d’autres, avec les rêves et les préoccupations d’une petite fille de son âge, jusqu’à ce que son chemin croise celui d’agresseurs redoutables et sans scrupules. Il est ici question de la fille de Corinne Leriche, dite Julie pour préserver son anonymat, victime de viols par 20 sapeurs-pompiers de Paris entre 13 et 15 ans, donc légalement une enfant au moment des faits.
Les mots sont importants, les violeurs d’enfants tentant après coup de vieillir les victimes en les appelant autrement que comme elles devraient l’être : des enfants. Julie, prise d’un malaise au collège, fait l’objet d’une intervention des pompiers, l’un d’eux, tout en ayant connaissance de son âge et de sa vulnérabilité, profite de la situation pour prendre ses coordonnées personnelles, ce qui dénote la préméditation, puis la recontacte après l’intervention. Un véritable calvaire commence alors pour la petite fille qui va subir une série de viols, dont des viols en réunion. Ecrasée par un stress post-traumatique terrible, elle ne parvient à alerter ses parents qu’à l’occasion d’un arrêt de ses traitements médicamenteux lourds, en 2015, 2 ans après le début des viols. (...)
Les séquelles psychologiques de ces violences sexuelles seront dévastatrices, Julie fera plusieurs tentatives de suicide qui la laisseront handicapée à 80%. A plusieurs reprises, au cours de la procédure entamée quand Julie dépose plainte le 31 août 2015 (ses parents déposeront plainte également) malgré les pressions de la Brigade des Mineurs, les officiers de police questionneront Julie sur son supposé consentement : a-t-elle résisté ? S’est-elle débattue ? A-t-elle crié ? Appelé à l’aide ? Un fonctionnaire ira jusqu’à lui dire que si elle n’a pas résisté, c’est qu’elle a consenti. (1) La presse salit Julie, qui est alors dépeinte comme une adolescente fascinée par les pompiers, qui aurait elle-même pris contact avec eux, ce que dément formellement la victime et sa famille. (2) Cette inversion écoeurante de la culpabilité appelle un questionnement plus vaste : comment la notion de consentement est-elle utilisée par la justice dans les affaires de viol aujourd’hui ? (...)