
Un proviseur adjoint témoigne des difficultés de mise en œuvre du contrôle continu.
C’est une profession que l’on entend peu, prise en sandwich entre les équipes enseignantes et les recteurs, aux ordres du ministre de l’Education nationale. Les proviseurs, qui ont la responsabilité du bon fonctionnement du lycée, se trouvent en première ligne dans la nouvelle organisation du bac. (...)
« C’est très difficile en ce moment. Et encore, je fais partie des chanceux : mon lycée fonctionne bien, il y a de bonnes relations entre la direction et l’équipe. On travaille ensemble. Mais la situation est malgré tout compliquée. Les tensions sont de plus en plus vives dans l’équipe à cause de cette réforme du bac. Au départ, j’ai accueilli le projet de façon très positive : la disparition des séries est une bonne chose, je continue de le penser. Et alléger l’organisation du bac, en tant que proviseur, c’était une excellente nouvelle. Mais en réalité, sur ce point, c’est tout l’inverse qui se passe. C’est encore plus compliqué qu’avant ! Du moins pour les chefs d’établissement. Je me retrouve à gérer ce qui était avant du ressort des services du rectorat : le choix des sujets, l’impression, les convocations pour ces fameuses épreuves communes de contrôle continu (E3C) des sortes de "partiels". On nous demande de mettre les élèves en mode examen… tout en continuant à faire fonctionner l’établissement normalement. C’est impossible. (...)
« Un exemple tout bête : les sonneries. Elles rythment les cours toutes les cinquante-cinq minutes. Comment vous faites quand vous avez une partie des élèves qui planchent pendant deux heures sur une épreuve du bac ? Vous ne pouvez pas les interrompre en plein milieu, avec en plus l’agitation dans les couloirs ! Ce ne sont pas des conditions acceptables, les élèves sont en état de stress. Pour eux, c’est une épreuve, ce n’est pas la moitié ou un quart d’examen.
« Dans mon lycée, j’ai associé les enseignants à la réflexion sur l’organisation. C’était impensable de faire autrement. Seule la concertation fonctionne. Imposer par le haut est le meilleur moyen de braquer le plus grand nombre. C’est difficile pour moi de tenir un discours positif sur cette réforme devant mon équipe, alors que je n’en pense pas moins. Sans le dire, ces E3C entament la liberté pédagogique des enseignants. Avec ce système, ils sont tous obligés de suivre la même progression dans les cours. Ils ne peuvent plus se permettre comme avant d’aborder les chapitres du programme dans l’ordre qu’ils veulent, ou s’attarder sur telle ou telle notion… Ils sont très contraints par le temps pour préparer les élèves à ces épreuves à mi-année. Leur chemin est balisé, comme si l’institution ne leur faisait plus confiance.
« Ce sentiment, je le ressens aussi à mon niveau. On nous demande des choses dont on ne comprend pas l’intérêt et on n’écoute pas nos remarques. (...)