
Une centaine de femmes exilées, certaines enceintes, et leurs enfants vivent dans d’anciens bureaux à Montreuil. Elles risquent l’expulsion. Sans solution, elles ont peur de retourner à la rue.
Les bras rentrés à l’intérieur de son t-shirt, les poings serrés, Kady se mordille les phalanges. La petite fille de six ans a les yeux rouges. « Elle s’est mise à pleurer parce qu’elle a entendu que quelqu’un était entré dans le squat, qu’on nous attendait en bas et qu’il fallait descendre. Elle a eu peur que ce soit la personne qui vienne nous expulser », explique sa mère à StreetPress, dont la venue a causé des sanglots à la môme. Mawa tente de rassurer sa fille d’une voix douce, pendant que la petite fille se cache contre elle. « Elle est tout le temps angoissée », explique sa maman. Kady n’est pas la seule.
Une centaine de femmes exilées, certaines enceintes, vivent avec leurs enfants dans d’anciens bureaux inoccupés de Montreuil depuis juin dernier. À partir de ce vendredi 31 mars – fin de la trêve hivernale – elles risquent à nouveau d’être expulsées. Dans les esprits, la peur est quotidienne. Le matin-même une voiture serait passée devant le squat, raconte une des femmes au reste du groupe descendu dans la cour devant les bureaux. Un homme « grand, plutôt costaud », mime-t-elle, aurait fait plusieurs allers-retours devant le portail du squat d’un air énervé. Depuis plusieurs semaines, toutes scrutent chaque passage dans la rue. « On sait qu’on va être expulsées, mais on ne sait pas quand. On ne dort plus, on est tout le temps stressées », raconte Djalia. Sous son t-shirt blanc, la jeune femme arbore un ventre rond. « Si au moins on savait la date, on pourrait se préparer, mais là, ça peut être la nuit n’importe quand… C’est tout le temps dans notre tête », ajoute-t-elle en faisant de grands gestes.
D’expulsions en expulsions (...)
En mai dernier, après des mois dehors, elles avaient trouvé refuge dans un ancien restaurant chinois de Montreuil, laissé à l’abandon. C’est là que StreetPress les avait rencontrées la première fois. Leur situation avait été dénoncée par la journaliste Capucine Légelle. Alertés par la journaliste et membre du collectif Entraide Montreuil, le rappeur Kalash et sa femme Klara Kata avaient financé des travaux pour remettre en partie en état le lieu. Mais cela n’avait pas empêché les femmes de voir placardé sur les murs de cet ancien restaurant délabré, un arrêté du maire pour « mise en sécurité urgente ».
Contraintes de partir, encore une fois, elles avaient finalement trouvé refuge dans ces anciens bureaux au mois de juin. Là aussi, elles risquaient à nouveau d’être mises dehors. Leur avocate Hanna Rajbenbach leur avait obtenu un délai. Puis l’hiver et la trêve hivernale leur avaient permis de rester, jusqu’à ce jour. (...)
Pas de solutions
La petite Kady reste collée à sa mère. Ses yeux sont encore un peu rougis. Elle fait partie des enfants qui vont à l’école depuis peu. Kady n’est pas scolarisée à Montreuil. Elle se rend tous les jours dans un établissement situé près de la gare de Lyon. « Elle prend deux métros », explique sa maman. Dans ses yeux, la fierté se mélange à l’inquiétude. « Parfois, elle est trop fatiguée et stressée, alors je la laisse dormir le matin ». Une situation difficile à cacher (...)
« Si on est expulsées, on ne sait pas où aller. On n’a pas de solution. Ce sera la rue », renchérit Djalia. « Je me suis déjà retrouvée dehors avec mes deux enfants », lance à son tour Koné. Enceinte de six mois, elle a du mal à rester debout. Assise sur des marches en béton, elle se lève péniblement, en tenant son ventre entre ses mains. « J’appelle le 115 tous les jours, je n’ai jamais eu de logement », raconte celle qui est arrivée en France en septembre. Elle a quitté son pays, la Côte d’Ivoire, avec ses deux enfants. Elle raconte le voyage en bateau à travers la mer Méditerranée avec une soixantaine de personnes à bord, puis les trains et les bus pour arriver jusqu’à Paris. Ses yeux sont creusés. Elle n’arrive plus à trouver le sommeil.
La peur d’un retour à la rue (...)
Les femmes craignent aussi qu’avec l’expulsion, les enfants ne puissent pas continuer d’aller à l’école ou qu’ils se retrouvent envoyés à des endroits trop éloignés pour s’y rendre tous les jours. Les femmes enceintes sont aussi suivies pour leur grossesse dans les hôpitaux alentour. (...)