
On a eu beau transformer l’espace public en désert sans bancs, vidéo-surveillés et traversés au pas de course par les veinards qui ont su se vendre à un patron, c’est peine perdue. Les pauvres prolifèrent. Histoire vécue par un éduc’ de l’association des Cités du Secours catholique.
(...) Il y a les bons pauvres et les mauvais pauvres. Les bons pauvres participent à des « ateliers de redynamisation », à des « bilans de compétences », à des séances de « relooking » ou de « job dating » pendant lesquelles ils s’efforcent de « séduire » un entrepreneur. Ou bien ils bossent, à la journée, pour de sympathiques Entreprises de travail temporaire d’insertion (Etti) archisubventionnées. C’est fou, tout le pognon distribué à de joyeux philanthropes pour occuper les bons pauvres, ou leur faire croire qu’on va leur trouver un taf. Ce n’est pas croyable le nombre d’emplois générés par ces empotés pas foutus d’en trouver un ! (...)
Pour ma part, je bossais, jusqu’en février dernier, avec de mauvais pauvres, des toxicomanes, à l’association des Cités du Secours catholique, à Paris. Entre leurs traitements hépatiques ou HIV, les calmants, les neuroleptiques dont les abreuvent si généreusement certains praticiens, leur traitement de substitution, plus ce qu’ils s’envoient pour le plaisir, nos usagers ne sont pas tous ultramobilisés. Certains sont même très moyens sur le plan de l’« employabilité », encore assez loin d’un retour triomphal sur le marché du boulot.
par FelderEt puis, il y a les très mauvais pauvres, comme celui qui a débarqué lors de la distribution bi-hebdomadaire des traitements de substitution.
Il faut dire que c’est de notre faute, on avait mal fermé la porte.
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P.S. : Finalement, avec les collègues, on a tellement speedé pour réorienter le cheptel de façon décente que onze piaules d’hôtel payées par l’Agence régionale de santé jusqu’au 1er avril sont restées vides pendant la période de grand froid de février. Notre direction n’a pas jugé utile de les mettre à disposition de qui que ce soit.