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Le Monde Diplomatique
On achève bien les enfants…
Article mis en ligne le 30 décembre 2014

Les enfants pakistanais morts dans un attentat à Peshawar, au début du mois de décembre, ont attiré l’attention des médias, à juste titre. Chaque année, de nombreux enfants viennent grossir les bilans macabres des différents conflits, mais leurs morts n’entrent que trop rarement en ligne de compte au moment de les analyser. Victimes collatérales ou cibles délibérées ?

C’est à la haine, au deuil et à la douleur provoqués par les violences subies par les familles du Proche-Orient, au cours de ces dix dernières années, que l’on doit le terrible attentat contre une école d’enfants de militaires pakistanais à Peshawar, le 6 décembre 2014, dans lequel cent trente-deux d’entre eux ont été assassinés par balles par un commando taliban.

Lors d’une émission télévisée de la chaîne américaine CBS (« 60 minutes ») le 12 mai 1996, Mme Madeleine Albright, alors secrétaire d’Etat du gouvernement de M. William Clinton, interrogée par la journaliste Lesley Stahl sur les sanctions à l’encontre de l’Irak — tenues pour responsables, selon un rapport de l’Unicef, de la mort de cinq cent mille enfants, un nombre plus élevé qu’à Hiroshima —, avait répondu que le prix était certes élevé mais valait la peine d’être payé (1). Le secrétaire à la défense de M. Anthony Blair avait eu des propos équivalents lorsqu’il avait été interviewé à la radio sur le sort des enfants irakiens victimes des bombes à fragmentation utilisées par l’armée britannique. Ainsi, dans les attentats ciblés, la présence d’enfants est délibérément ignorée (...)

Les opérations militaires, comme les attentats terroristes, font plus de victimes chez les enfants désemparés que chez l’ennemi armé. En Afghanistan, à Baghlan, un attentat terroriste perpétré le 6 novembre 2007 tue cinquante-neuf écoliers (6) ; le 9 juillet 2009, un autre attentat, à Kaboul, fait seize autres victimes, âgés de 8 à 12 ans (7). Lors des opérations militaires israéliennes contre Gaza, entre septembre 2000 et novembre 2004, cinq cents enfants palestiniens, qui ne prenaient évidemment pas part aux combats, sont tués et plusieurs milliers blessés. Au terme de la deuxième offensive (décembre 2008 - janvier 2009) trois cent treize enfants ont été abattus selon le rapport d’Amnesty International (8). Lors des bombardements de l’aviation israélienne de décembre 2012, trente-trois sont morts et deux cent quarante-sept blessés, selon le Centre palestinien des droits de l’Homme. A Gaza, comme à Sderot, 75 % des enfants de 4 à 15 ans sont atteints du syndrome de stress post-traumatique. A Houla, près de la ville de Homs, au mois de mai 2012, les milices syriennes pro-Assad ont assassiné méthodiquement 32 enfants, égorgés ou tués d’une balle dans la tête (9).

Le taux de mortalité infantile dans les camps de réfugiés de la capitale afghane est parmi les plus élevés au monde (...)

Il a fallu attendre sept ans pour que le sergent Frank Wuterich, leader de la patrouille responsable de l’exécution de sept enfants et de leurs mères à Haditha (Irak), en 2005, soit jugé. Sanctionné par la justice militaire pour… « négligence » (negligent dereliction of duty), sa promotion a été ajournée tandis que sept de ses acolytes étaient relaxés (11).

A la morgue de Bagdad, se trouve une pièce sombre, celle dite des absents, ou des centaines de portraits d’enfants non identifiés, aux visages généralement maculés de sang, sont projetés sur quatre écrans afin que des parents ou voisins puissent les identifier et se recueillir sur leur tombes numérotées dans le cimetière voisin.

A tuer des enfants que peut-on espérer sinon plus de deuils, de haine et de violence ?