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Occupation, boycott, sabotage : jusqu’où les activistes pour le climat sont-ils prêts à durcir leurs actions ?
Article mis en ligne le 20 septembre 2019

Un appel à la « mobilisation générale » pour le climat et la justice sociale est lancé ces 20 et 21 septembre. Si certains voient, dans la montée en puissance des marches et des grèves, les conditions pour un mouvement de boycott, d’autres aspirent à des actions d’occupation, voire de sabotage, qui mettent directement à mal les gros pollueurs, entreprises ou infrastructures. Face à l’urgence absolue du réchauffement climatique, quelles stratégies de lutte adopter ?

Un appel à la « mobilisation générale » pour le climat et la justice sociale est lancé ces 20 et 21 septembre. Si certains voient, dans la montée en puissance des marches et des grèves, les conditions pour un mouvement de boycott, d’autres aspirent à des actions d’occupation, voire de sabotage, qui mettent directement à mal les gros pollueurs, entreprises ou infrastructures. Face à l’urgence absolue du réchauffement climatique, quelles stratégies de lutte adopter ? (...)

« C’est une guerre que nous devons mener pour le climat. Il nous faut désormais affronter des gens violents, prêts à tout pour sauver leur monde mortifère. » Ce constat est dressé par un avocat spécialiste du droit de l’environnement, Sébastien Mabile. Les affaires qu’il défend l’amènent à travailler régulièrement aux côtés de communautés en Amérique du Sud défendant leurs rivières, leurs forêts, leurs sols contre des projets miniers ou agro-industriels, contre des exploitations qui cherchent à s’étendre par tous les moyens – quitte à incendier l’Amazonie –, ou des barrages géants qui submergent des villages entiers.

Des combats pour lesquels des hommes et des femmes risquent leur vie, bien loin de la quiétude des Palais de justice [1]. (...)

Ces violences, loin des regards, se conjuguent à l’accélération de la catastrophe partout dans le monde. En France, les records de température cet été ont imposé, pour une partie de la population, le changement climatique comme une réalité désormais palpable et angoissante. Cette prise de conscience s’accompagne depuis un an par une montée en puissance des marches pour le climat. La multiplication des grèves des lycéens et étudiants à l’appel de la jeune Suédoise Greta Thunberg, se combine au succès inédit de la plainte en justice contre l’État français, appuyée par plus de deux millions de signataires. Pourtant, si peu de choses changent. Malgré l’Accord de Paris en 2015, les grandes entreprises françaises émettent quasiment toujours autant de CO2. La quantité de pesticides épandus n’a cessé d’augmenter. Les gros et polluants véhicules 4x4 ou « SUV » représentent aujourd’hui un tiers des ventes de voitures neuves... Les dernières prévisions des climatologues annoncent que l’augmentation de la température du globe pourrait aller jusqu’à +7°C d’ici la fin du siècle.
« Faire changer le regard sur la politique »

Jusqu’à quel point les activistes pour le climat sont-ils prêts à durcir leurs modes d’action contre ceux qui détruisent la planète ? Quelles sont les stratégies en présence ? Nombreux sont ceux et celles qui ont déjà franchi le cap de la désobéissance civile, à l’image de la multiplication des décrochages de portraits d’Emmanuel Macron dans les mairies. Le coût à payer pour les militants se compte en gardes à vue et en procès. Pour autant, est-ce à la hauteur de l’enjeu ? (...)

Juste avant l’audience de décrocheurs à Bourg-en-Bresse le 28 mai dernier (photo ci-dessus), Jon Palais, militant de l’organisation ANV COP21 soulignait : « Notre avenir est en train d’être détruit par des activités légales. Et Macron aggrave le problème : il excelle dans la com’. Il a réussi à se présenter avec son "make our planet great again" comme exemplaire par rapport au climat, alors que dans les actes le compte n’y est pas. Cela crée un effet d’anesthésie générale sur la population, et de déresponsabilisation. » Des membres du gouvernement comme le secrétaire d’État auprès de Jean-Michel Blanquer, Gabriel Attal, et sa collègue à l’Écologie, Brune Poirson, ont même défilé le 15 mars lors de la grève pour le climat, en enchaînant selfies et vidéos, reprenant même certains slogans.

« En brandissant le portrait de Macron dans les cortèges, on a voulu braquer les projecteurs sur le fait qu’on n’était pas du tout dans la même bataille, et arriver à ce que ce que leur grand bluff ne marche pas, observe Txetx Etcheverry. Tout le travail du mouvement climat au sens large, de « Notre Affaire à Tous » à Attac, en passant par Greenpeace ou Alternatiba, c’est de marteler des choses qui finissent par imprégner l’opinion publique, de faire changer le regard sur la politique. Mais c’est une bataille qui n’est pas gagnée d’avance. »
Quand le climat fait loi

Avec quel débouché politique ? En tant que représentant de mouvement, Txetx Etcheverry est fortement attaché à l’indépendance vis à vis des partis. Ce qu’il espère, c’est que la pression sociale soit telle qu’elle conditionne les changements au niveau politique. (...)

C’est du côté judiciaire qu’une première bataille vient d’être remportée. Le 16 septembre, un juge du tribunal correctionnel de Lyon, Marc-Emmanuel Gounot, a relaxé deux décrocheurs de portraits. Il estime que leur délit – vol en réunion – reposait sur un « motif légitime » affectant « gravement l’avenir de l’humanité » (télécharger le jugement). En creux, il suggère que l’État ne fait rien et invoque « l’état de nécessité ».

« Je crois beaucoup en la force du droit pour peu qu’on dispose d’outils et de juges suffisamment courageux pour éveiller les consciences », confiait Sébastien Mabile quelques heures avant cette décision spectaculaire. Si le parquet a annoncé le soir même qu’il faisait appel de ce jugement, les militants espèrent que cette décision en inspirera d’autres. D’ici à septembre 2020, douze procès de décrocheurs sont prévus.