
Le projet de loi de finances pour 2018 va nuire à l’ensemble des espaces naturels, estime le spécialiste Guillaume Sainteny. Le projet prévoit en effet de taxer leurs propriétaires de manière nettement supérieure à celle des détenteurs des autres capitaux. Poussant ainsi à la vente des champs et bois pour la construction immobilière. L’Assemblée nationale risque de l’adopter vendredi 15 septembre.
La chose est passée complètement inaperçue. Alors qu’elle pourrait avoir des conséquences importantes sur les espaces naturels français.
Le principal changement introduit par le projet de loi de finances (PLF) pour 2018, présenté le 27 septembre devant l’Assemblée nationale et critiqué par les ONG environnementales, consiste en la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), remplacé par un nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui concernera uniquement les biens immobiliers (bâtis et non bâtis), et un prélèvement forfaitaire unique (appelé « flat tax ») pour les biens mobiliers (placements, actions, dividendes, etc.).
Pour les seconds, la taxation consistera donc en un prélèvement unique , identique quel que soit le patrimoine total du propriétaire, de 30 % des revenus de ces biens. Tandis que les biens immobiliers, eux, seront toujours soumis à une série de taxes et impôts : sur les revenus, sur le patrimoine immobilier, sur les plus-values immobilières, etc.
Le problème, soulevé par Guillaume Sainteny, professeur à Polytechnique et qui a travaillé plusieurs années au ministère de l’Écologie, c’est qu’il y a parmi ces biens immobiliers des espaces naturels. Bois, terres agricoles, landes, friches, montagnes, littoraux… L’ensemble du foncier non bâti représente l’essentiel du territoire français (85 % selon Guillaume Sainteny). Parmi ces espaces, certains sont classés Znieff, Natura 2000, ou appartiennent à un parc naturel protégé.
Les espaces naturels deviendraient « les plus taxés de tous les biens en France » (...)
Sainteny résume ainsi les options qui s’offriraient à un acteur économique : « Les impôts ne pouvant être payés par le revenu du bien, ils devront être acquittés par leur vente, leur fragmentation, en tentant de les urbaniser ou d’intensifier leur production pour en tirer un revenu un peu plus élevé, au détriment de leur caractère naturel. »
La logique est l’exact inverse de la taxation du carbone, présente dans ce Projet de loi de finances 2018 (voir notre article). « Là, on taxe ceux qui stockent le carbone, les forêts, les prairies… analyse Guillaume Sainteny. Stopper des crues, stocker du carbone, faire écran sonore, conserver la fraîcheur… tous ces services écosystémiques ne sont pas comptabilisés aujourd’hui sur le plan économique, donc, on ne s’en rend pas compte quand on les supprime. » (...)
Le signal symbolique est bien clair : investissez dans le mobilier, les actions et autres placements, pas dans la nature (...)
Après être passé en première lecture à l’Assemblé, puis au Sénat, le texte doit à nouveau être examiné à l’Assemblée ce vendredi 15 décembre.