
Anina Ciuciu est née en Roumanie en 1990, dans une famille Rrom. À l’âge de 8 ans, elle émigre pour des raisons socio-économiques avec ses parents et ses 3 sœurs à destination de l’Europe de l’Ouest. Elle vit alors avec eux dans une très grande précarité, logeant en squat et bidonville entre la France et l’Italie. Elle parvient toutefois à poursuivre une scolarité exemplaire qui la conduit à obtenir un Master 2 « Droit privé général » à la Sorbonne et à être aujourd’hui élève avocate à l’École du Barreau de Paris. Anina Ciuciu a été conseillère honorifique du Premier ministre roumain sur la thématique « Rrom », fonction dont elle a démissionné pour se consacrer à l’activisme de terrain. Elle est aujourd’hui administratrice de « La voix des Rroms », coordinatrice du pôle juridique du « Mouvement du 16 Mai » et marraine de l’Aset 93. (...)
"En tant que jeune femme Rromni, j’ai fait l’expérience de l’impératif qui est adressé à quiconque naît Rrom dans les sociétés modernes : cacher ce que nous sommes en public et ne pouvoir l’être que dans des ghettos cachés des Gadjés. Dès lors, pour apparaître publiquement, nous n’avons que deux options. La première consiste à haïr en soi son être Rromani autant que le hait le Gadjo afin de ressembler à ce dernier en cessant d’être Rrom. L’autre consiste à revêtir le masque humiliant de la représentation majoritaire avec l’espoir d’y trouver son intérêt. Ces deux possibilités enferment notre participation politique, à l’instar des enfants et jusqu’à récemment des femmes, dans un statut de mineur historique sans souveraineté qui n’agit ni ne s’exprime sans un tutorat majoritaire. Ma riposte consiste, à contre courant de la revendication du statut de victime historique et de nation pré-étatique empruntés encore une fois au catalogue des concepts majoritaires aliénants, à tâcher de construire notre participation politique et symbolique à partir de la réappropriation de ce qui nous représente suivant les moyens conformes à ce que nous sommes réellement : une multiplicité engagée historiquement dans des stratégies de résistance aux tentatives de destruction dont elle est l’objet dans l’histoire collective : esclavage, génocide, incarcération de masse."
Plan de l’article
- Se cacher pour survivre
- Aliénante assimilation
- Les stratégies de soumission
- L’enfermement dans le statut de minorité
- « Se réapproprier les moyens de la représentation ! »