
Un collectif de plus de trois cents professeurs estime, dans une tribune au « Monde », que la réforme des lycées a été « imposée dans la précipitation »
Tribune. Dans son numéro daté du mardi 28 janvier, Le Monde a publié un appel, « Halte aux blocages dans les écoles », signé par une cinquantaine de chefs d’établissements parisiens. Il faut, d’emblée, relever une ambiguïté dans ce texte. Celui-ci commence par mettre sur le même plan les « blocages des écoles, des collèges et des lycées » et ne dit jamais explicitement que la plupart des blocages en France en ce moment concernent les lycées, ni que l’objet de la contestation d’une large partie des enseignants porte sur la mise en place des fameuses épreuves communes de contrôle continu (E3C). (...)
Sans doute est-il trop risqué, de la part du personnel de direction, de nommer les choses de la sorte ; il n’empêche que reconnaître, comme le font ces chefs d’établissement, que « depuis quelque temps, les tensions ne cessent de croître et se manifestent par des actions de blocage de plus en plus agressives et dangereuses devant de nombreux lycées », c’est déjà faire preuve de lucidité face à un ministre qui persiste à dire que tout va bien. Cependant, ces tensions étaient prévisibles et, avant d’exiger la cessation de ces blocages, il faudrait en comprendre l’origine.
Personne, là-haut, n’a écouté
La réforme du lycée a été menée au pas de charge et imposée dans la précipitation. Les E3C, qui sont sous le feu des critiques en ce moment, sont un produit de la politique de l’« en même temps » qui se révèle, dans ce cas précis, particulièrement paradoxale (...)
Tous les problèmes liés à ces E3C viennent de ce paradoxe que personne, au ministère, n’a voulu voir et que, pourtant, celles et ceux qui connaissent bien le monde de l’enseignement secondaire n’ont cessé de montrer du doigt. (...)
On demandait de l’écoute. Personne, là-haut, n’a écouté. Tout allait bien. Alors même que les signaux d’alerte se multipliaient. L’ouverture repoussée, tardive, de la banque nationale des sujets ; la découverte, quand elle a été accessible, de sujets trop difficiles, ou non conformes : ne pouvait-on pas arrêter la machine à ce moment-là ? Non, on a continué. L’injonction de scanner les copies, la correction sur écran : avait-on vraiment besoin de cela ? Ne pouvait-on pas employer ce temps autrement ? La fuite des sujets sur les réseaux sociaux : n’était-ce pas prévisible ?