
Je suis entièrement convaincu que, pour toute une série de pays européens, tels que la Grèce, le Portugal, l’État espagnol, l’Irlande et Chypre, mais aussi d’autres pays, il y a des mesures fondamentales à prendre si l’on veut changer l’orientation politique et rompre avec l’austérité. Car il est très clair que dans plusieurs pays – dont le Portugal, comme l’ont montré les derniers mois, mais aussi la Grèce, et nous le verrons rapidement dans l’État espagnol comme nous le voyons déjà en Italie – la crise bancaire n’est pas résolue du tout. Dès que la situation économique internationale se détériore, le bilan des banques devient assez fragile (avec par exemple l’explosion des créances douteuses). Nous assistons aujourd’hui à une chute très importante sur les marchés boursiers, ce qui implique une fragilisation des banques. C’est pourquoi le besoin de prendre le contrôle effectif des banques fait partie des premières mesures à prendre. Dans certains cas (en Grèce par exemple), il sera nécessaire de les mettre en faillite afin d’en reprendre le contrôle. Bien sûr, nous les remettrions rapidement sur les rails, mais les mettre en faillite en premier lieu permettrait de faire payer les coûts de la crise à ceux qui en sont responsables. Dans l’exemple grec, je suis convaincu que c’est exactement ce qu’il aurait fallu faire.
Tout d’abord, dès le 20 février 2015, je pense que le gouvernement Tsipras et son ministre des finances Varoufakis auraient dû prendre les mesures que j’ai mentionnées précédemment. C’est-à-dire qu’ils auraient dû dire dès le départ : « Nous allons réaliser un audit de la dette, en appliquant ce faisant l’article 7 du règlement 472 en tant que mesure de défense face à vous créanciers, qui n’avez pas envisagé une seule piste sérieuse de négociation durant nos trois premières semaines au gouvernement. Nous suspendons le paiement de la dette pour la durée de l’audit. » Ce n’est pas ce qui a été fait, et c’est pour cela que je pense que l’accord du 20 février constituait déjà un recul de la part du gouvernement Syriza-Anel |2|.
Ce qui est important ici, et qui n’a pas du tout été remarqué, c’est que le 20 février, seul Varoufakis a signé l’accord pour le gouvernement Syriza-Anel, sans que celui-ci ne soit soumis au vote du parlement grec. Or, la présidente du parlement, Zoé Konstantopoulou, avait annoncé à Tsipras qu’elle n’accepterait jamais un tel accord et qu’une forte opposition à celui-ci s’exprimerait au sein du parlement en particluier au sein du groupe parlementaire de Syriza. Jusqu’à la nuit du 15 au 16 juillet 2015, le parlement grec n’a approuvé aucun accord avec l’eurogroupe ou d’autres représentants des créanciers.
Ainsi, je pense que le 20 février, le gouvernement aurait dû adopter un plan B, qui aurait consisté en la mise en place d’un contrôle des capitaux, un audit de la dette accompagné d’une suspension de paiement, le changement du statut des parts détenues par l’État grec dans les banques grecques. Puisqu’il en est le principal actionnaire, l’État aurait dû transformer ses actions préférentielles en actions ordinaires afin d’exercer un contrôle direct sur les banques et d’organiser leur mise en faillite tout en protégeant les dépôts. Je pense également qu’il y avait besoin de lancer rapidement une monnaie parallèle, non convertible, qui n’aurait pu être utilisée que pour une série d’opérations internes mais aurait pu faciliter, par exemple, l’augmentation des salaires et des retraites, le paiement des impôts et de toute une série de factures (eau, électricité, transports publics, etc.). On aurait également pu essayer d’utiliser cette monnaie parallèle dans les échanges au niveau de l’économie locale, comme moyen de stimuler l’activité économique et la consommation. Cette monnaie parallèle officielle aurait été complémentaire à l’euro officiel. (...)