
A l’occasion de l’adoption par le Sénat le 15 mai 2019 d’un amendement visant à interdire aux mères voilées d’accompagner les sorties scolaires, nous publions à nouveau (malheureusement) ce texte sous forme de question adressée aux élus qui ont voté cet amendement : vous êtes-vous inquiétés des dégâts qu’une telle interdiction causerait sur les enfants des mères voilées ? Visiblement, non !
D’un point de vue juridique et politique, presque tout a déjà été dit sur cette mesure qui consisterait à interdire aux mamans qui portent un foulard d’accompagner leurs enfants en sortie scolaire. On pensait l’idée enterrée. Les sénateurs-trices profitent de l’examen du projet de loi sur l’école pour la déterrer et adopter un amendement qui va dans ce sens. Le texte va revenir devant l’Assemblée, mais le ministre Jean-Michel Blanquer ne voit dans l’amendement qu’un simple problème de "mise en application pratique", ce qui n’augure rien de bon...(1)
Mais qu’en est-il de l’impact d’une telle mesure sur les enfants concernés, qui seraient en réalité les principales victimes si elle venait à être appliquée ? L’école ne doit-elle pas prendre en considération en tout premier lieu l’intérêt de l’enfant ?
Que se passe-t-il concrètement quand un enfant voit sa mère être interdite d’accompagnement aux sorties scolaires du fait qu’elle porte un foulard sur la tête ? Comment perçoit-il les choses quand il voit sa mère être humiliée par l’institution ? Comment vit-il cela ? Quelles peuvent être les conséquences sur sa construction, sur son épanouissement ?
Nous qui sommes les parents de ces enfants, nous le savons :
l’enfant ne comprend pas pourquoi les autres enfants ont le droit de voir leur mère les accompagner, et pas lui
il éprouve de la colère pour sa mère qui « ne veut pas être normale », qui « lui cause des problèmes au sein de l’école », qui « ne fait pas assez de sacrifices pour lui »
il éprouve de la honte pour sa mère
il éprouve de la honte pour lui-même, la honte d’être l’enfant d’une mère qui « n’est pas normale »
il éprouve de la colère vis-à-vis de l’institution qui cherche à humilier sa mère, et dès le plus jeune âge, éprouve du rejet pour une institution qu’il vit comme injuste et inégalitaire.
Qu’en est-il des enfants dont la mère ne porte pas un foulard sur la tête ?
l’enfant associe « foulard » (et plus généralement « Islam ») à « danger », « problème », « anormalité »
il apprend qu’il est « normal » d’être intolérant et discriminant
il apprend qu’il est « normal » que des femmes aient moins de droits, parce que musulmanes
il apprend qu’il est « normal » de chercher à contrôler le corps et le vêtement des femmes.
En quoi l’impact sur les enfants, tel que décrit ici, est-il positif pour l’Éducation nationale ? En quoi provoquer de nouvelles tensions entre école et parents des quartiers populaires, mais surtout entre ces parents et leurs enfants, ou entre l’école et ces enfants, va-t-il arranger les difficultés que l’on connait déjà ? (...)