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Normer et classer les enfants dès 3 ans : le meilleur des mondes à la sauce Blanquer ?
Article mis en ligne le 27 février 2021

Il y a déjà̀ trois ans, paraissait un petit livre d’Annabelle Allouch, La société́ du concours, qui pointait la frénésie grandissante des classements scolaires, notamment au sein du monde universitaire. Des classements par ailleurs fondés sur des critères d’évaluation parfois réduits à de simples QCM.

Pourtant, de plateau télé́ en rayons de supermarché́, les classements et notations diverses s’affirment comme hiérarchisation du monde, facilitant la mise en concurrence des contenus, des services et des individus.

Mais cet étiquetage intempestif s’invite désormais jusque dans nos maternelles : par le biais d’une enquête de la Depp (Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance du Ministère de l’Education nationale), réalisée sur un « panel » de 35 000 élèves répartis dans 1700 classes de petite section maternelle, est mise en place une « grille d’observation élève » dont le résultat sera nominatif.

Il est bien sûr légitime que la Depp puisse procéder à des évaluations si – en suivant une cohorte d’élèves - celles-ci permettent d’adapter des politiques éducatives émancipatrices pour tous. Cependant, les critères retenus ne sont pas sans nous surprendre : A-t-il des accès de colère ? Coupe-t-il la parole ? Pleure-t-il souvent ou répond-t-il mal à l’adulte ? Est-il agité ?

De nombreux spécialistes de la maternelle, enseignants et chercheurs, ont eux aussi interrogé et dénoncé la pertinence de ces questions alors que ces enfants de 3 ans découvrent à peine l’école. Quant aux indicateurs retenus, ils semblent entachés d’un subjectivisme derrière lequel on peut lire une velléité de dressage social.

Quelle méconnaissance du rôle des enseignants dont le cœur de métier est l’observation et l’évaluation pour donner à chacun les moyens adaptés à sa socialisation et son apprentissage ! Quelle ignorance affligeante des processus de développement du jeune enfant ! Quelle incompréhension du rôle qu’y joue la pédagogie à l’heure où le Ministre impose partout le diktat des neurosciences, bannissant les approches pluridisciplinaires et la liberté pédagogique.

Car, derrière toute pédagogie, il y a une conception de l’être humain, de la société, donc un projet politique.

Celui que dessine ces évaluations, c’est un monde de standardisation, de compétition à rebours de la visée émancipatrice de notre école républicaine censée former des citoyens plutôt que de formater comportements et conscience.