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Mediapart
« No macadam ! » Un mois après les violences de Sainte-Soline, les opposants à l’A69 ont défilé dans le calme
#liberalisme #multinationales #autoroutes #Macron #castresToulouse
Article mis en ligne le 23 avril 2023

La lutte contre l’autoroute Toulouse-Castres a été marquée samedi par une mobilisation pacifique et sans répression des forces de l’ordre, une réussite qui va au-delà des attentes de ses organisateurs. Ces derniers ont salué une « mobilisation historique » et appelé à poursuivre la lutte.

Il est 14 h 55 samedi 22 avril, deux militants, cagoulés et vêtus de noir, se font discrets derrière une palissade de bois qui domine un étang. Un smartphone à la main, ils immortalisent discrètement quelques hérons en pause sur un plan d’eau de la zone humide. On est loin de la qualification d’« écoterroristes radicalisés de l’ultragauche » propagée par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin.

Cela fait près d’une heure que le cortège s’est élancé, au son dynamique de la Batucasol toulousaine, du campement installé sur la commune de Longuegineste, à une dizaine de minutes de Castres, pour exiger la « sortie de route » du projet d’autoroute Toulouse-Castres A69. Le camp a été établi sur trois parcelles d’environ 2,5 hectares mises à disposition par un paysan touché par le tracé de l’autoroute.

Répondant à l’appel du collectif La Voie est libre (LVEL), de la Confédération paysanne, d’Extinction Rebellion (XR) et des Soulèvements de la Terre, 8 200 manifestant·es ont défilé, selon le comptage final des organisateurs, alors que la préfecture n’en a compté que 4 500. Près d’un mois après la violente répression à Sainte-Soline, ils ont défilé dans le calme. Et ce n’est pas la violence annoncée par les autorités qui s’est donnée à voir mais une forte détermination politique, à la fois grave et festive. (...)

Samedi, près de Castres, 8 200 manifestants ont défilé, selon le comptage final des organisateurs. (...)

« Il y a un terme qu’on n’utilise pas assez pour qualifier notre lutte, confiait Geoffrey Tarroux, de la coordination de LVEL – qui, juste avant le départ, reconnaissait être « stressé » –, c’est celui de “populaire”. Dans ce mouvement, il y a des paysans, des cadres, des militants, des écolos... »

De fait, la foule rassemble des habitant·es de la vallée directement concerné·es, mais aussi des paysan·nes, des militant·es écologistes, des activistes du mouvement climat, des élu·es, des figures intellectuelles ou universitaires, etc. Et beaucoup de jeunes.

« S’il y a tout ce monde, c’est parce qu’on est face à un problème majeur, considère Pauline, la quarantaine, militante de « la lutte des Suc » qui s’oppose à l’élargissement de la RN88 reliant le sud-ouest de la France au centre. Les luttes climatiques existent depuis les années 1970, elles concernent tout le monde et de plus en plus de monde comprend qu’il faut traiter ce problème. »

Moins d’un mois après Sainte-Soline, côté manifestant·es, on s’était préparé au pire. (...)

Jusqu’au départ, sur la manifestation a pesé une certaine incertitude au sujet des options choisies par la préfecture pour le maintien de l’ordre, mais aussi de la volonté de certains d’aller au contact des forces de l’ordre. Des gendarmes avaient pris place dans l’enceinte d’un site de bureaux des laboratoires Fabre installé sur le parcours. Un hélicoptère de la gendarmerie n’a cessé de survoler les lieux, mais, finalement, les gendarmes et leurs véhicules sont demeurés très en retrait.

Détermination bien trempée

« La préfecture a joué le jeu et respecté ce qu’on avait négocié » (...)

Moins d’un mois après Sainte-Soline, côté manifestant·es, on s’était préparé au pire. Neuf équipes de medics composées de quatre à six personnes réunies autour d’un·e médecin ou d’une infirmière ont suivi le cortège. Trois équipes de l’Observatoire des pratiques policières (OPP) de Toulouse étaient également présentes. Une cellule psychologique avait aussi été mise place. « Chacun amène son petit bout de compétence, d’expérience et de relation », témoigne Isabelle, psychiatre de 64 ans, médecin référente de la cellule d’urgence médico-psychologique dans le Tarn. « Cela fait longtemps que je suis LVEL, poursuit-elle. J’ai lu toutes les études sur l’A69, je suis incollable sur le sujet. J’ai vu des medics qui revenaient de Sainte-Soline, qui ont vu des blessures terribles auxquelles ils n’étaient pas préparés. Cela a provoqué de la colère, de l’angoisse, des éléments traumatiques de stress immédiat. » (...)

Dans leur communiqué final, ils et elles soulignent : « Il n’y a pas de manifestations pacifiques d’un côté et des manifestations violentes de l’autre comme Gérald Darmanin voudrait le laisser penser : il y a des gestes de résistance créative, plus ou moins fortement réprimés par l’État. » Saluant une « mobilisation historique », le communiqué appelle à poursuivre la lutte et à « tenir, stopper la stratégie du fait accompli et le passage en force des travaux ».

Cette détermination bien trempée est palpable dans les conférences de presse, rassemblements et points de briefing. Un sentiment de légitimité, de justice et d’urgence habite tous les manifestants et manifestantes, ainsi que l’idée de participer, au-delà la lutte contre l’autoroute A69, à quelque chose de plus grand et de plus vaste. (...)