
Célébrons l’élection du démocrate Bill de Blasio à la mairie de New Yorg, après près de vingt ans de terreur républicaine. Souvenons-nous. C’était en 1994. Rudolf Giulani était élu avec le programme « zéro tolérance » à la conception duquel participait – déjà – le criminologue français Alain Bauer, l’ami de Sarkozy et de Valls qui sauront s’inspirer du « succès » de l’expérience new-yorkaise.
Avec plus de 70% des voix, Bill de Blasio est mieux élu encore que ne l’aura été dans les années 80 l’également démocrate Ed Koch, représentant la droite du parti démocrate, qui avait régné plus de dix ans avec, lui aussi, un programme de « law and order » – même si Giulani et Bloomberg feront certainement mieux en la matière… Koch parviendra à se faire réélire, deux fois, avec l’investiture des deux partis, démocrate et républicain, ce qui lui avait permis lui aussi de dépasser les 70% des suffrages – mais sans opposition.
Ainsi ce score de Bill de Blasio interroge. C’était il y a deux ans, en septembre 2011, que les indignés « occupaient Wall Street » en affirmant représenter « 99% » de la population. Et deux ans plus tard, c’est ce qu’on vérifierait jusque dans les urnes… Ce qui est à relever, c’est que les thèmes de campagne de Bill de Blasio et ceux des « occupants » de Wall Street coïncident rigoureusement : contre la ville des riches pour les riches qu’ont instaurée pendant vingt ans Giuliani suivi de Bloomberg.
Mais il est possible que le plus intéressant dans cette élection triomphale de Bill de Blasio à la tête de « la » ville soit le fait qu’il n’aura pas hésité à s’attaquer frontalement aux politiques sécuritaires de la droite. Comme on sait, en France, la « gauche » a fait le choix de s’y rallier plutôt que de les combattre, considérant que ce serait un bloc de motivations intouchables dans l’opinion publique. Et c’est ainsi qu’en à peine plus d’un an, François Hollande peut atteindre les records d’impopularité qu’on lui connait.
Car, par-delà les apparences démagogiques, ces politiques de « sécurité renforcée » sont, par définition, orientées contre les pauvres – ainsi que l’état de siège que Valls impose à Barbès en est une brutale illustration. C’est pour mettre fin à cette guerre aux pauvres que Bill de Blasio a demandé le suffrage des électeurs. On note que ceux-ci auront compris le message, se mobilisant massivement pour imposer la victoire de ce politicien qui ose dire les choses comme elles sont – que les contrôles au faciès, ou, mieux, la méthode de « stop and frisks », interpellation et fouille, à laquelle s’autorisait la police de Bloomberg, n’étaient que des armes pour harceler les noirs et les latinos. Comprenant le message, ceux-ci ont voté massivement pour lui – car dans cette ville faite exclusivement au bénéfice des riches, et où la concentration de millionnaires devient un sujet d’amusement, il reste toujours une majorité de pauvres, d’autant plus large que la crise ramène y compris les classes dites moyennes à des niveaux de précarité absolue. Il y aura eu plus de 200 000 expulsions à New York l’année dernière, et c’est explicitement contre ça que Bill de Blasio a été élu.
Cela fait vingt ans que tous les politiciens démagogues du monde, tel Manuel Valls aujourd’hui, se gargarisent des politiques de sécurité renforcée mises en œuvre avec « succès » par Giuliani à New York. On ne redira jamais assez combien ce « succès » était usurpé (...)