
Les écologistes sont dépités : les néonicotinoïdes seront à nouveau autorisés en 2022 dans les champs de betteraves, malgré leur toxicité. Voici pourquoi.
Encore un coup dur pour les insectes : les néonicotinoïdes continueront à polluer les champs de betterave sucrière français cette année. Interdits depuis 2018 en France, ils avaient été autorisés à nouveau en 2021 pour aider les producteurs de ce légume racine à lutter contre le virus de la jaunisse. Et devrait toujours l’être en 2022, malgré l’opposition des défenseurs de l’environnement. Explication en quatre points. (...)
1 / Les néonicotinoïdes, qu’est-ce que c’est ?
Ce sont des insecticides. Lorsqu’ils enrobent des graines, les « néonics » protègent la plante du semis jusqu’à la récolte. Mais ces produits sont extrêmement rémanents : ils persistent dans l’environnement pendant une longue durée. Solubles dans l’eau, ils se répandent des champs agricoles vers le reste de l’environnement, contaminant toutes sortes de plants, de sols et d’animaux.
Ils sont souvent surnommés les « tueurs d’abeilles » : des études ont prouvé que l’utilisation de néonicotinoïdes fait baisser les populations d’abeilles, entrave leur croissance, leurs réponses immunitaires et leur reproduction. « La biodiversité, ce ne sont pas que les abeilles, soulignait le toxicologue expert de ces molécules, Jean-Marc Bonmatin, dans un entretien à Reporterre. On oublie tous les autres pollinisateurs, tous les insectes autres, tous les invertébrés du sol, tous les invertébrés aquatiques, et tous ceux qui boivent de l’eau et mangent des fruits et des légumes. » Les néonicotinoïdes sont interdits en France depuis l’entrée en vigueur de la loi Biodiversité, en 2018. Mais une dérogation a été mise en place l’an dernier pour les cultures de betteraves sucrières.
2 / Pourquoi ont-ils été réautorisés temporairement en 2021 ? (...)
Pour venir en aide aux betteraviers, le ministère de l’Agriculture a annoncé qu’il souhaitait modifier la loi et réintroduire les néonicotinoïdes. Votée par le Parlement, la loi du 14 décembre 2020 a réautorisé provisoirement (jusqu’en 2023 au maximum) l’enrobage de semences de betteraves sucrières par ces insecticides. Plusieurs associations ont tenté de faire annuler l’arrêté mettant en place cette disposition, mais le Conseil d’État a jugé qu’il était conforme à la loi.
En 2021, les betteraviers ont donc pu acheter et planter des semences traitées aux « néonics ». (...)
3 / Pourquoi seront-ils reconduits en 2022 ?
Tout porte à croire que les néonicotinoïdes seront encore présents dans les champs de betteraves sucrières cette année. Le conseil de surveillance des néonicotinoïdes – une instance composée d’une trentaine d’acteurs, dont des professionnels de l’agriculture, des représentants des ministères, des parlementaires et des associations de défense de l’environnement – a validé la poursuite de la dérogation en 2022. Un projet d’arrêté a été mis en consultation de la population le 27 décembre.
Le gouvernement s’appuie sur deux documents pour justifier le retour des néonicotinoïdes : le premier est une analyse des prévisions climatiques saisonnières. D’après elles, les températures devraient être douces. (...)
Le gouvernement s’appuie sur un second document, une fiche sur les réservoirs viraux. Fin novembre, l’Institut technique de la betterave a réalisé des prélèvements sur des plantes hautes, à proximité de parcelles touchées par la jaunisse. Le but était de mesurer le niveau de présence de virus de la jaunisse dans des plantes susceptibles de constituer des réservoirs viraux en 2022. Résultat : seuls sept prélèvements sur 267 parcelles se sont avérés positifs, contre 117 sur 170 l’année précédente. (...)
4 / Des alternatives sont-elles possibles ?
Au mois de novembre 2021, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a conclu que le retour des insecticides était fondé scientifiquement, car « aucune substance active alternative aux néonicotinoïdes n’est actuellement autorisée en France sur la betterave sucrière, pour le traitement des semences ». Le ministère de l’Agriculture avait lancé en 2020 un plan national de recherche et d’innovation, doté de plus de 20 millions d’euros pour coordonner les efforts de recherches sur le virus de la jaunisse de la betterave sucrière. « Ce programme compte à ce jour vingt-et-un projets scientifiques dont l’objectif est de trouver des alternatives aux néonicotinoïdes », souligne le ministère. Mais, à l’heure actuelle, aucun n’a abouti. Soulignons tout de même qu’un projet de recherche proposé par l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) a été refusé.
Selon les associations de défense de l’environnement, la solution n’est pas de trouver des semences résistantes aux virus, mais de restructurer la filière betterave sucrière. (...)
il serait plus pertinent d’accepter les potentielles baisses de rendements, de payer davantage et indemniser les producteurs – comme cela peut être le cas pour les agriculteurs ayant subi des épisodes de gel sur leurs vignes, par exemple.
Le projet d’arrêté de réintroduction des néonicotinoïdes est mis à la consultation des Français jusqu’au 16 janvier.