
Près de trois ans après la mort par suffocation de 71 migrants dans un camion frigorifique découvert en Autriche, la justice hongroise rend jeudi son verdict à l’encontre des trafiquants jugés pour ce drame d’août 2015, qui avait profondément choqué l’opinion mondiale.
Après un an de procès, au vu de la gravité des faits, le procureur Gabor Schmidt a requis la réclusion criminelle à perpétuité à l’encontre de quatre des quatorze accusés. Il a exigé que pour trois d’entre eux cette peine soit incompressible, une disposition existant en droit hongrois.
Les victimes —59 hommes, huit femmes et quatre enfants, dont un bébé—, originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, avaient été prises en charge près de la frontière serbe en Hongrie le 26 août 2015, espérant rejoindre l’Allemagne, au plus fort de la crise migratoire qui avait mis des dizaines de milliers d’exilés sur les routes.
Entassées dans le compartiment hermétiquement clos du véhicule, elles avaient péri d’étouffement en moins de trois heures, leurs convoyeurs ayant refusé de s’arrêter pour les laisser accéder à de l’air frais, malgré leurs cris de détresse. (...)
Accusés d’"homicides avec circonstance aggravante de cruauté particulière" durant ce procès fleuve débuté en juin 2017 à Kecskemét, dans le sud de la Hongrie, les principaux mis en cause ont tous assuré n’avoir pas su que les passagers agonisaient, malgré des preuves accablantes. (...)
les écoutes téléphoniques réalisées par la police hongroise ne laissent pas de place au doute, selon l’accusation : alerté par ses hommes sur le fait que les migrants suffoquaient et criaient pour qu’on leur donne de l’air, il avait interdit que soit entrouvert le compartiment frigorifique.
"Qu’il les laisse plutôt mourir. C’est un ordre", avait intimé Samsoor Lahoo à son adjoint. "S’ils meurent, qu’il les décharge dans une forêt en Allemagne", avait-il aussi déclaré.
Confronté à ces enregistrements, l’intéressé, qui a régulièrement adopté une attitude de défi durant son procès, s’est contenté d’évoquer des "propos irréfléchis".
Mais pour Gabor Schmidt, c’est une "indifférence effroyable et une cupidité sans limite" qui l’ont guidé : en pleine vague migratoire, les transports clandestins du réseau, facturés jusqu’à "3.500 euros" par personne, se succédaient à rythme soutenu et ne devaient souffrir aucun contretemps. (...)
Le drame n’avait pas empêché le réseau d’organiser dès le lendemain un nouveau transport dans des conditions similaires. Une nouvelle hécatombe n’avait été évitée que parce que les 67 passagers avaient réussi à défoncer la porte du compartiment.
Le parquet a requis la perpétuité incompressible contre Samsoor Lahoo ainsi que contre l’un de ses lieutenants et contre le chauffeur du convoi mortel, deux Bulgares âgés de 31 ans et 27 ans. (...)
Le prononcé du verdict est attendu en fin d’après-midi au plus tôt.