
Viser la mixité sociale dans l’enseignement public est un objectif républicain majeur ; mais les effets du séparatisme social sur les quartiers, sur les choix entre public et privé et entre collèges publics s’y opposent. C’est une politique volontariste, fondée sur la concertation qui peut dessiner le chemin, comme en témoigne le bilan d’étape des secteurs multi-collèges à Paris.
On attendait avec impatience l’évaluation des dispositifs de mixité sociale en collège expérimentés depuis 2017 à l’initiative de la ministre Najat Vallaud-Belkacem à la suite d’un commun accord entre académies, départements et communautés éducatives des collèges concernés.
L’importance de cette expérimentation tient à la diversité des modalités envisagées, allant de la fermeture de certains établissements à la création de secteurs multi-collèges au sein desquels on peut pratiquer soit la montée alternée (une année sur deux les élèves de 6e des deux collèges entrent dans le même collège) soit le choix régulé, fondé sur un algorithme d’affectation s’appuyant notamment sur le quotient familial des familles.
La note de l’Institut des politiques publiques portant sur l’évaluation des secteurs multi-collèges à Paris[1], qui vient d’être publiée, est intéressante à plus d’un titre.
D’une part, parce que Paris est aussi la capitale de la ségrégation scolaire (...)
D’autre part, parce qu’après trois années révolues d’expérimentation, on est en mesure de mesurer leur impact sur la mixité sociale des collèges concernés.
Selon Julien Grenet et Youssef Souidi, auteurs du rapport, le bilan provisoire de l’expérimentation est encourageant, dans la mesure ou dans deux sur trois des secteurs multi-collèges, les objectifs ont été atteints. (...)
Ce qui est sûr, c’est que le dispositif de « montée alternée » entre deux collèges à la composition sociale initialement très contrastée a renforcé la mixité sociale dans les deux collèges. On note toutefois que ce renforcement est plus marqué dans le collège socialement favorisé (...)
l’appréhension de parents de PCS favorisées de voir leur enfant affecté dans un collège à importante population défavorisée les conduisant à l’inscrire dans un collège privé. Mais, malgré la persistance de ce phénomène, on constate sur le secteur « une diminution du taux d’évitement vers le privé, qui est passé de 24 % en 2016 à 16 % en 2019 ».
Dans les secteurs ou a été choisie la stratégie du choix régulé par algorithme, le bilan est plus contrasté. (...)
On touche là une vraie question : réaliser la mixité sociale statistique est une chose, réaliser la mixité sociale effective en est une autre. Quand un collège propose des classes à horaire aménagé, il accueille dans ces classes des élèves appartenant à des PCS favorisées qui fréquentent assidûment le conservatoire (CHAM). Mais ces classes socialement très homogènes et aux horaires distincts des autres classes peuvent constituer un micro-collège sélectif au sein d’un collège de mixité sociale apparente. On a pu voir ainsi coexister trois collèges en un, avec des élèves socialement favorisés et très favorisés peuplant les CHAM, des élèves dits « standard » regroupés dans les classes ordinaires et des élèves relevant de dispositifs d’accueil spécifique ne se mêlant ni aux unes ni aux autres. On peut aisément observer que les temps de vie scolaire se déroule aussi séparément (...)
l’apartheid scolaire n’est pas loin...
En conclusion, on retiendra avec les auteurs du rapport que « les secteurs multi-collèges constituent une piste sérieuse pour favoriser la mixité sociale dans l’enseignement secondaire public (…) dans les grandes agglomérations urbaines (…) pourvu qu’ils se déploient au sein d’un maillage urbain dense et qu’ils puissent associer des quartiers socialement hétérogènes dans un périmètre limité, de manière à maintenir une dis- tance raisonnable entre le domicile des élèves et leur collège d’affectation ».
On ne pourrait que souhaiter que de nouvelles expérimentions soient encouragées, soutenues et suivies, de manière à faire pièce au dualisme scolaire qui tend à polariser l’école de la République dans notre pays. (...)