Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
pense-bête
Misère et décadence de l’esprit satirique, Charlie Hebdo et son fonds de commerce
« On peut rire de n’importe quoi, mais pas en n’importe quelle compagnie »
Article mis en ligne le 23 septembre 2012

(...) Dépassant le seul cas de la fixette anti-chrétienne, ce principe d’auto-dérision semblait alors essentiel à l’identité même du journal – via Choron ou Cavana sans oublier le plus subtil Reiser – qui pratiquait un humour graveleux, tout en accusant le trait de cette « grosse dégueulasserie » franchouillarde. En schématisant, on pourrait dire que cette feuille de choux se payait la gueule des « beaufs » tout en assumant sa part de beaufitude

Une fois exposée cette marque de fabrique du Charlie première manière, on mesure mieux le chemin parcouru depuis, non pas seulement à cause du donneur de leçon carriériste Philippe Val et de son éminence grise Caroline Fourest (ne leur prêtons pas tant d’importance ad hominem), mais sous l’influence des crispations identitaires qu’ont connu les décennies suivantes. Ainsi est-ce très progressivement que ce contre-pouvoir satirique s’est focalisé sur les signes ostentatoires du péril islamique, rejoignant dès lors les Cassandre néo-réacs du fameux « choc des civilisations ».

Jusqu’à cet hiver 2006 où – quelques mois après la publication de 12 dessins se payant la gueule de Mahomet (à forte connotation anti-arabes) dans Jyllands-Posten, un quotidien ultra-conservateur danois –, la rédaction de Charlie décidait d’emboîter le pas à ces martyres de la « la presse libre », victimes de diverses Fatwas intégristes, sans poser en aucune manière la question des relents nauséabonds du discours anti-immigration qui accompagnait implicitement sa publication initiale au Danemark.

(...) Et cette semaine, Charlie remet le couvert, en nous jouant la même comédie de la « liberté d’expression ». Pourtant, ils auraient pu tirer quelques leçons du feuilleton précédent, mais non. Le scénario se rejoue à l’identique, six ans plus tard, un deuxième numéro spécial Mahomet (cul à l’air, toujours), dans le sillage, cette fois, d’une vidéo étazunienne conçue par des évangélistes d’extrême-droite. Et là, les collaborateurs de Charlie auront beau prendre leurs airs de vierges effarouchées, ça ne prend plus. Qu’ils se fassent leur coup de pub, mais pas au nom de l’émancipation des peuples. Leur mauvaise foi anticléricale à bon dos, ça sent le remake à plein nez, et le cynisme boutiquier. (...)

Au lieu de se réjouir du peu d’emprise des manipulateurs wahabites, et de leurs généreux donateurs des Emirats, sur les « masses arabes » (à peine quelques milliers place Tahrir ou ailleurs), on préfère parier sur la remobilisation de ces fanatiques. Et tant qu’à faire, on leur file un prétexte en or massif. Ça s’appelle une politique du pire, n’en déplaise aux bouffons attitrés de Charlie qui manquent décidément de garde-fou autocritique. Mais ils s’en contrefoutent, à leurs yeux de potaches bravaches, tout est bon dans le blasphème « pinard et cochon », même avec d’infréquentables alliés objectifs, du moment que ça fait du pognon sur le dos des « pauvres cons » de mahométans.

N’empêche, ils auront beau se réclamer de la lignée de l’Assiette au beurre, l’argent de ce beurre-là sent le rance. (...)