
Depuis janvier 2018, après chaque démantèlement de camps de migrants, des tentes, des sacs de couchages et d’autres effets personnels sont récupérés, stockés dans un entrepôt et mis à disposition des associatifs. Mais ces derniers font rarement le déplacement pour les récupérer...
Après les démantèlements, où vont les tentes ?
Quasi quotidiennement, des camps de migrants sont démantelés, à Calais. À chaque fois, c’est la même mécanique. La police arrive sur les lieux, demande aux exilés de quitter le terrain qu’ils occupent et leur laisse quelques minutes pour récupérer leurs tentes, sacs, plaids et effets personnels. Des hommes d’une entreprise privée, vêtus d’une combinaison blanche, font ensuite un tri. Les déchets sont récupérés par un prestataire privé et jetés à la déchetterie. Le reste : les duvets, les tentes et autres effets personnels laissés par les migrants sont pris, mis dans un camion-benne et amenés dans les locaux de la Ressourcerie, zone Marcel-Doret, où ils sont séchés et stockés. Ensuite, des associatifs peuvent aller les récupérer trois jours plus tard. Une méthode mise en place en janvier 2018, saluée à l’époque par les associations qui viennent en aide aux migrants. (...)
Des tonnes d’affaires qui ne sont pas récupérées (...)
selon Alain Bessaha, directeur de cabinet du préfet du Pas-de-Calais, environ 1 % des affaires recueillies ont été récupérées par les associations. « Les associatifs doivent juste prendre rendez-vous au préalable. Ils ont été à plusieurs reprises informés, on en a discuté. Je ne sais pas pourquoi ils ne viennent pas », regrette-t-il. Selon un responsable de la sous-préfecture, les associations, accompagnées d’exilés, viennent très rarement et uniquement pour récupérer des effets personnels, comme des portables, des documents administratifs, etc. Viennent ensuite les vêtements et les effets personnels. Régulièrement, la Ressourcerie appellerait des associations pour les prévenir si des portables, des bijoux, des photos ou des documents administratifs ont été retrouvés.
Après six semaines de stockage, toutes les affaires personnelles sont jetées. Depuis janvier 2018, une cinquantaine de tonnes d’affaires auraient été jetées. Un vrai gâchis. (...)
Difficile pour Alexandra, bénévole de L’Auberge des migrants, de cacher sa gêne face à la situation. « Je sais, ça peut paraître étrange. C’est un immense gâchis mais si on va les récupérer, les exilés sont persuadés que nous travaillons avec la police. Certains l’ont cru et on a eu des problèmes. Et puis, on a peur des maladies, on ne peut pas tout laver (lire par ailleurs). On a eu de grosses discussions entre associations et on a décidé de ne plus aller récupérer des affaires », raconte l’associative qui souhaiterait simplement pouvoir récupérer toutes les affaires lors des démantèlements. Yolaine, de l’association Salam, elle aussi, veut l’arrêt pur et simple des démantèlements et des « confiscations » des affaires. De temps en temps, elle se rend à la Ressourcerie avec des exilés, à leur demande, mais « ils ne retrouvent jamais » leurs affaires. Plus largement, les associations ne peuvent pas, selon elle, « tout laver et puis, les exilés ne vont pas dormir dans la tente d’un autre. Ils doivent pouvoir garder toutes leurs affaires, c’est le minimum ». (...)
L’État pourrait-il laver les tentes, duvets et couvertures ?
C’est l’un des arguments avancés par les associations d’aide aux migrants. Selon elles, il est impossible de laver toutes les affaires, récupérées lors des démantèlements. De plus, il existerait un risque de prolifération de maladies comme la galle. L’État peut-il donc laver toutes ces affaires, comme le suggèrent les associations ? « Inenvisageable », pour Alain Bessaha, directeur du cabinet du préfet du Pas-de-Calais qui estime que l’étape de « séchage et le tri permettent d’éviter toute prolifération de maladies ». Les associations auraient d’ailleurs déjà demandé la mise en place de machine à laver pour les exilés. Une demande refusée par l’État. Dans les semaines à venir, lors des prochaines réunions organisées en sous-préfecture de Calais avec les associations, une discussion concernant le traitement des tentes, sacs de couchage et autres effets personnels devrait s’engager. « Si la situation n’évolue pas, si les associations continuent de ne pas venir chercher ces affaires, on suspendra le dispositif », annonce Alain Bessaha. (...)
Un peu moins d’une tonne d’affaires par semaine arrive à la Ressourcerie. Un chiffre qui évolue en fonction des démantèlements et du nombre de migrants à Calais.